Quand la Formule 1 se la joue bio

Les organisateurs de Grands Prix et autres rallyes cherchent à sauver leur peau après la Cop21. Leur idée : verdir le sport auto. Qu’en est-il vraiment ?

Dessin : Jiho

« Le glas des énergies fossiles a sonné », a estimé Nicolas Hulot au lendemain de la Cop21. Avec l’accord de Paris sur le climat, le monde entier semble avoir pris conscience que la réduction des gaz à effet de serre et des taux de polluants relâchés dans l’atmosphère constituaient des enjeux essentiels pour l’avenir de notre planète. Le monde entier ? Non ! Il existe un petit secteur dans lequel ce genre de question frise l’indécence et la provocation : le village surréaliste de la course automobile.

300 TONNES DE CO2 DÉGAZÉES

Un exemple ? Pendant que les constructeurs s’ingénient (en mentant parfois, en magouillant souvent) à réduire la consommation de leurs véhicules, nul ne s’offusque qu’un bolide de Formule 1 boive 75 litres au 100 km, soit 12 fois plus que la moyenne des consommations autorisées aujourd’hui ! Une course faisant au moins 300 km, cela nous fait à vue de pot d’échappement une moyenne d’une quinzaine de tonnes de CO2 relâchées dans l’atmosphère pour un Grand Prix. Sachant qu’il y en a environ une vingtaine par an, on arrive à 300 tonnes de CO2 dégazées par an, rien que ça (1).

Il en va de même du côté des rallyes, où les autos tournent entre 30 et 60 litres aux 100 km, et là, j’ai dénombré au moins 200 épreuves annuelles pour les seules France et Belgique. Les Grands Prix, les rallyes ou le Dakar sont de fait des aberrations écologiques protégées par un modèle économique qui ne peut se remettre en cause qu’à la marge. Constructeurs, pilotes, écuries, télés, publicitaires, diffuseurs représentent un lobby extrêmement puissant. La Formula One Management a engendré en 2011 un milliard et demi de revenus et ce chiffre est en augmentation permanente.

HYPOCRISIE DURABLE

Les courses automobiles intéressent les sponsors et les télés mais aussi, plus bizarrement, les États, et particulièrement des pays émergents qui voient là une occasion exceptionnelle de se faire connaître. De sept Grands Prix en 1950, nous sommes passés à une vingtaine aujourd’hui, et il en va de même dans toutes les autres branches de la course automobile. Jean Todt, le patron de la Fédération Internationale de l’Automobile est désormais soucieux de cette question, nous dit-on ! Qu’a-t-il fait ? A-t-il limité le nombre de courses dans le monde ? Non, mais il a annoncé « un grand programme afin de rendre le sport automobile plus vert ».

Le mot « vert » est lancé. C’est comme « durable », c’est doux aux oreilles. Jean Todt a compris que le sport automobile risquait de pâtir d’une image détériorée et tente d’imposer de nouvelles normes, mais celles-ci seront de toute façon largement compensées par la multiplication des courses. Et surtout, l’enjeu dépasse les questions de pollution directe.

Dessin : Jiho

Le maintien de la Formule 1 est capital pour les constructeurs (2) car il s’agit de montrer une forme de conduite « virile » qui joue sur la vitesse et l’habileté. Les « pilotes » deviennent des modèles d’identification pour toute une partie de la population qui va plébisciter la voiture puissante et ronflante plutôt que sûre et économe. On est loin de la bagnole électrique, dont les roues ne sont pas près de crisser à 150 à l’heure sur l’asphalte. Si d’aucuns avaient encore besoin d’une définition du mot « hypocrisie », ils peuvent donc en chercher l’étymologie symbolique du côté de la course automobile.

(1) Et sans compter les essais, comme nous le signale aimablement un lecteur.
(2) « Le choix fait par Renault de revenir en Formule 1 est irresponsable ! » a déclaré Stéphen Kerckhove, délégué général d’Agir pour l’Environnement, en réaction à l’annonce, début décembre, du retour du constructeur français sur les circuits en 2016.

Dessins : Olivier Jiho (Site / Facebook)

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À propos de l'auteur
Un peu journaliste dans un paquet de journaux satiriques, un peu chroniqueur à la radio RMC, pas mal écrivain de romans drôles et érotiques, anthropologue le jour et musicien la nuit…
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7 réponses

    1. Merci beaucoup François pour toutes ces informations. Cela dit, la Formule E (électrique) ne semble pas non plus la panacée : « le bruit aigu d’un avion au décollage », et toujours toute cette ferraille, ce bitume et ce culte de la vitesse…

  1. Bravissimo pour ces commentaires. Cela fait bien longtemps que je suis révoltée par ces aberrations sans compter l’absurdité absolue d’un Dakar en Atacama !!! Argent, tu auras notre peau.

  2. Merci d’avoir le courage de dire que la Formule 1 et toutes ces courses de voitures sont dépassées, révolues, devraient être interdites: Cop 21 mon c..
    De qui se moque-t-on?
    J’ai moi-même été un fan de Formule 1, pour finir par comprendre que tout cela nuit à la santé des individus.
    Pour avoir moi même été opéré d’un cancer en 2008, pour avoir croisé un ami sur le marché ce matin qui va se faire opérer d’un cancer en février. Sa réflexion: « le pire c’est que je me croyais en bonne santé et que cette santé est un capital » (sauf que lui est très riche et n’est plus en bonne santé).
    Je vous souhaite de continuer, je suis personnellement abonné à Charlie.
    Bien à vous.

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