Et soudain, le 4×4 changea de nom…
On peut retracer l’histoire des Hommes à travers n’importe quel sujet lié à une époque. L’architecture, la nourriture, la vie sociale, l’éducation, le mariage sont des thèmes anthropologiques récurrents qui servent à illustrer à leur manière l’évolution des mœurs et des tendances. L’automobile, en ce qu’elle est à la fois une quête historique, un phénomène social et un objet signifiant devient un marqueur sociologique cohérent et digne de réflexion.
Vous souvenez-vous du 4×4 et de son incroyable succès ? Née dans les années 60, cette grosse voiture un peu carrée issue des véhicules de l’armée et singulièrement des Jeeps de la dernière guerre connaît tout de suite un vrai succès. L’attirance étrange pour cet engin dont les formes vont à l’inverse de la recherche esthétique de l’époque est probablement due au mythe du « tout terrain » libérateur de l’Europe, yankee et viril. Très vite, les Japonais et leur Land Cruiser emboîtent le pas des Américains.
L’AVENTURE AU BOUT DE L’AVENUE DE LA GRANDE ARMEE
Si le véhicule « tout terrain » est d’abord utilitaire, peu à peu il devient une voiture de campagne puis de ville avec le Range Rover des années 70 qui pourrait traverser le désert de Gambie mais sert plutôt à aller acheter son pain. Les constructeurs misent intégralement sur l’allure et la symbolique mi-sauvage, mi-Mad Max ! Le prix des 4×4 est élevé, c’est un marqueur social, il est rapide, puissant et laisse peu de place à la ligne. L’homme et la femme pressés cherchent l’aspect pratique et l’image de l’aventure au bout de l’avenue de la Grande Armée. Le concept ne va guère évoluer pendant les vingt années suivantes, et à priori, on était partis pour supporter ces machines de guerre encore longtemps, quand soudain, les premières critiques, venues des milieux écologistes ont eu un écho dans le grand public : le 4×4 est un luxe dépassé, il consomme plus que toutes les autres voitures et rejette à l’infini particules fines et CO2, il faut être irresponsable vis-à-vis de la planète pour acheter un tel engin… L’image du propriétaire de 4×4 a brusquement changé de connotation au début des années 2000 en France et ailleurs. Mad Max devenait ringard, le héros était un pollueur inconscient de l’environnement.
Immédiatement, les constructeurs, après s’être défendus d’être des pollueurs en chef, ont senti le vent tourner devant les menaces répétées mais jamais appliquées par les Etats de taxer leurs machines. Les clients eux-mêmes, gênés d’être stigmatisés, risquaient d’abandonner le concept et se faire tout petits ! C’est alors que l’idée de génie nous est encore venue des Etats-Unis : changer le nom et changer l’aspect. Le SUV pour « sport utility vehicle » était né. Classe et fin comme une grosse berline ordinaire, sa capacité à se transformer en 4×4 n’apparaît plus sur la carrosserie et n’est plus l’argument mis en avant par les constructeurs. Il se fond dans la masse et devient juste « une belle grosse bagnole ». L’air du temps et même l’air pur du temps a incontestablement joué sur cette transformation et indique clairement une évolution des marqueurs positifs de l’automobile du 21e siècle. « Propre, discrète, profilée, responsable ». A y regarder de plus près, la victoire écolo est mitigée pour l’heure car les SUV nouvelles générations continuent de consommer plus que la voiture standard mais avec une classe et une distinction nouvelles. A priori, l’avenir est au SUV Hybride, le grand pari des années à venir pour ceux qui n’auraient toujours pas choisi le vélo.