Conquête spatiale : « Sur Terre c’est foutu, coloniser l’espace sauvera l’humanité ! »

Quand certains prônent la sortie du capitalisme pour sauver l’humanité, d’autres vantent la conquête spatiale. Une fuite en avant tout sauf réaliste.

La conquête spatiale, un délire de toute puissance
La conquête spatiale sauvera-t-elle l’humanité ou le capitalisme? Dessin: le système solaire, par Daniel Felipe, OpenClipArt.

Lettrine Avez-vous déjà discuté avec quelqu’un qui pense que l’avenir de l’humanité passe par l’expatriation sur une exoplanète ? Moi oui, et ça m’a fait peur ! Il y a des gens qui croient réellement que la conquête spatiale est la solution à la crise climatique. La personne en question était un élève de l’École Normale Supérieure, il m’expliquait que comme « sur Terre, c’est foutu », il faut envisager de partir pour assurer une survie à l’humanité. C’est ce que disait aussi feu le brillant scientifique Stephen Hawking.

On voit de plus en plus de gens en apparence rationnels parler d’aller coloniser Mars. Mais la planète rouge, même si son atmosphère contient des traces de vapeur et qu’il y a de la glace sur ou sous sa surface, reste un gros caillou aride et glacé où l’eau liquide ne peut subsister.

UN VOYAGE INTERSTELLAIRE DE QUARANTE ANS

La conquête spatiale 4.0, au-delà de notre système solaire, était le thème d’une émission en plusieurs parties diffusée récemment sur Arte : L’odyssée interstellaire. On y voit des scientifiques passionnés, des étoiles plein les yeux, décrire tous les défis immenses à relever pour envoyer un vaisseau vers une exoplanète, mais ils sont assez réalistes et n’évoquent pas de voyage habité.

L’exoplanète la plus proche, apparemment habitable, est Proxima Centauri b, située à une distance d’environ quatre années-lumière. Donc si après une phase d’accélération progressive d’un an, on arrivait à 1/10e de la vitesse de la lumière, on rejoindrait l’exoplanète en quarante ans. Évidemment, à cette vitesse, croiser la trajectoire du moindre caillou serait fatal ou alors le vaisseau doit être d’une robustesse encore aujourd’hui inconnue. Il y a plein d’autres défis techniques inédits à résoudre, dont le moindre n’est pas de devoir dominer de manière courante la fusion nucléaire, seule à même d’éviter au vaisseau de devoir charger des tonnes de carburants nécessaires à l’énergie du vaisseau.

La conquête spatiale, Proxima Centauri b
Vue d’artiste de Proxima Centauri b, en arrière plan Proxima Centauri. Wikipedia.

Il y a donc loin du rêve à la réalité ! Et l’on s’en rend bien compte quand on entend parler du dernier projet de la très sainte NASA, un voyage aller-retour habité sur la Lune en 2024-25. Et ça, c’est en quelque sorte revenir cinquante ans en arrière, au moins symboliquement. Le journal britannique The Guardian a justement publié les photos restaurées des voyages lunaires des années 1970.

Constater que les sciences et les techniques avancent à pas de géant dans tous les domaines est une chose, prétendre qu’on pourra dépasser un jour les limites que la science physique elle-même nous impose en est une autre. Il faut à ce propos se méfier des raisonnements inductifs. Au contraire des raisonnement déductifs qui se basent sur des prémisses connues et doivent fournir des preuves à chaque étape, les raisonnements inductifs procèdent par analogie à partir d’observations, pour en inférer des conclusions sur des choses futures.

FOI EN L’HOMME

Par exemple, cela consiste à dire que, puisque durant les deux cents dernières années, l’humanité a fait des progrès scientifiques et techniques considérables, réalisé des choses qui étaient inimaginables dans le passé, il en sera de même à l’avenir. D’ici deux cents ans, on peut espérer qu’on aura su relever des défis qu’on imagine à peine aujourd’hui.

Or ce genre de raisonnement inductif n’appartient pas véritablement au champ de la science, mais plutôt aux champs du rêve et de la volonté de toute puissance. Ne serait-ce pas une sorte de foi en l’homme, en sa science et en ses techniques ? Cela ne serait pas aussi gênant si ça ne consistait pas, en pratique, à une fuite en avant qui ne veut pas reconnaître ses limites et au refus de voir les conséquences de cette volonté de toute-puissance de l’humanité (enfin, pas de toute l’humanité, surtout de l’homo consumens occidental).

FANTASMES

D’ailleurs, avez-vous remarqué qu’il en est de la conquête spatiale comme de la lutte contre le vieillissement ? Ici on s’avance un peu dans l’espace, là on identifie quelques facteurs de vieillissement contre lesquels on pense pourvoir lutter et hop, on s’imagine déjà immortel et sur une exoplanète !

Alors oui à la science mais résistons à la volonté infantile de toute puissance, c’est elle qui détruit notre environnement.

> À lire aussi : Le point Nemo ou le côté obscur de la conquête spatiale

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À propos de l'auteur
Informaticien dans un établissement du périmètre Paris-Saclay, je doute que le monde de la recherche, en privilégiant une fuite en avant consumériste, travaille aux vrais défis de l’avenir. C’est pas facile de vivre un dilemme !
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