Coupes claires dans les bois protégés du plateau de Saclay, l’inquiétante exploitation des forêts franciliennes

Des arbres sont abattus en nombre sur le plateau de Saclay (Essonne). Ces coupes claires, constatées au Moulon et du côté de Polytechnique, servent-elles vraiment à « améliorer » la forêt ?

Coupes claires dans les bois du côté du laboratoire Aimé Coton au Moulon
Coupes claires dans les bois du côté du laboratoire Aimé Coton (Plateau de Saclay). Photo: Steppenwolf.

Lettrine, l apostropheexploitation commerciale des bois bat son plein en lisière du Plateau de Saclay, dans le quartier de Moulon et du côté de Polytechnique. Les forêts du domaine de l’université Paris-Saclay ont subi des coupes claires ce printemps. Toutes sortes d’arbres y sont passés, dont des hêtres et des chênes.

Quand on voit ce que devient par ailleurs le plateau de Saclay, avec les pylônes de la ligne 18 du Grand Paris, ses zones rasées, retournées, bétonnées ; ses amas de terre ; ses engins de chantier et le vacarme incessant des travaux, on espérait que ce qu’il reste de nature dans la tant vantée Zone de Protection Naturelle, Agricole et Forestière (ZPNAF) de 4 115 hectares, définie par décret en juin 2010, puisse se reposer un peu. Eh bien non ! L’Office national des forêts (ONF) est là pour l’exploitation de la filière bois.

Tas de bûches, au Moulon
Quartier de Moulon, printemps 2022. Photo: Steppenwolf.

C’est en effet à l’ONF qu’a été confiée la gestion des zones boisées du domaine de l’université. Les bois de la lisière sud du quartier de Moulon en font partie. Or l’Office, ce service public dont la privatisation a commencé en 2010 sous la direction du chiraquien Hervé Gaymard, a grand besoin de faire du business pour se renflouer lui-même.

De méchantes coupes ont également eu lieu du côté de Polytechnique (photos ci-dessous), où une centaine d’arbres auraient été abattus. Le panneau de l’ONF indique cette fois une « coupe de sécurité », mais évoque aussi la possibilité qu’ils puissent partir en bois de chauffage. Les troncs entassés ont pourtant l’air impeccables. Tout cela est bien triste.

Hécatombe du côté de Polytechnique... une centaine d'arbres abattus
Hécatombe du côté de Polytechnique…
pancarte de l'ONF
Panneau de l’ONF sur les « coupes de sécurité ». Photo: Steppenwolf.

Le long de la promenade il y avait effectivement un certain nombre d’arbres chargés de gui, donc potentiellement en fin de vie, donc potentiellement dangereux. Mais c’est la bonne excuse pour faire avaler aux promeneurs choqués la coupe massive. Observé dans tout le département, ce même phénomène de coupes draconiennes a conduit une trentaine d’associations à lancer il y a quelques mois un Appel des forêts d’Ile-de-France afin d’attirer l’attention du gouvernement sur la destruction du patrimoine forestier.

À lire aussi : Le Temps des forêts, documentaire choc sur les ravages de la sylviculture intensive

Quand j’ai demandé leur avis aux élus écologistes du plateau de Saclay, beaucoup m’ont répondu qu’ils n’étaient « pas spécialistes de la question des coupes d’arbres en forêt » mais que certainement « les coupes sont favorables, même si c’est contre-intuitif, puisqu’elles permettent de faire entrer la lumière en forêt pour le développement des plantes plus basses qui sinon, restent atrophiées ».

Quel crédit accorder à cette argumentation, sachant qu’elle est servie systématiquement par ceux-là même qui réalisent les coups sévères ? Par exemple par le service communication de la Direction du Patrimoine de l’université, qui nous a ainsi déclaré qu’il s’agit de « coupes d’amélioration dans le cadre de notre plan de gestion forestier » : « L’intervention consiste à abaisser la densité/desserrer le peuplement en sélectionnant certains sujets les moins prometteurs afin de favoriser les plus vigoureux (vigueur, absence d’anomalies ou défauts de croissance). »

CRITIQUES DES SCIENTIFIQUES

L’Université Paris-Saclay se garde cependant de préciser dans sa communication que le bois coupé sera vendu en bois de chauffage par le prestataire privé qui réalise les coupes, la société Adi Bois, contactée par nos soins. Eh oui, la pression de la filière bois de chauffe sur la forêt française est très forte et « la critique monte du côté des scientifiques sur l’abattage d’arbres pour les besoins en chauffage et la pollution induite par ce mode de combustion », expliquaient récemment nos confrères du Monde.

Admirons tout de même l’élégance du vocable « coupe d’amélioration » et reconnaissons, ironiquement, la grande chance qu’ont la nature en général et la forêt en particulier de disposer en l’être humain d’un ouvrier si bien disposé à son « amélioration ».

Pour aller plus loin (publications en anglais)
• Les articles scientifiques que nous avons consultés ne semblent pas confirmer la pertinence des coupes sévères en forêt, par exemple cet article publié dans la revue scientifique GCB-Bioenergy et qui explique que « Le prélèvement de biomasse à grande échelle n’est ni soutenable, ni neutre en matière de gaz à effet de serre ».
Forests are major components of the global carbon (C) cycle and thereby strongly influence atmospheric carbon dioxide (CO2) and climate.

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À propos de l'auteur
Informaticien dans un établissement du périmètre Paris-Saclay, je doute que le monde de la recherche, en privilégiant une fuite en avant consumériste, travaille aux vrais défis de l’avenir. C’est pas facile de vivre un dilemme !
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Une réponse

  1. Bonjour
    Pourquoi ne pas développer les fours solaires pour fabriquer de l’électricité comme celui qui se trouve dans le sud de la France qui avait été construit avant l’avènement des centrales nucléaires;cela permettrait de fabriquer l’électricité dont nous avons besoin sans abimer la nature .
    Les gens pourraient se chauffer grâce a l’électricité produite par ces fours solaires ce qui éviterais de faire ces coupes rases dans nos forêts.
    A plus forte raison nous pourrions nous passer aussi du nucléaire extrêmement onéreux,polluant et dangereux ainsi que du fuel et du gaz .

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