Réflexions autour de la mesure statistique du bonheur national

Nos gouvernants se réfèrent habituellement à la somme des richesses produites pour évaluer le bonheur national. D’autres indices émergent depuis une vingtaine d’années. Quels sont-ils ?

la mesure du bonheur national
Illustration : Rudy Herman.

Les tentatives récentes pour mesurer le bonheur constituent une révolution en soi. D’une certaine manière, c’est reconnaître que la richesse financière d’un pays ne suffit pas à rendre ses habitants heureux. En effet, si c’était aussi simple, le PIB (produit intérieur brut) suffirait largement.

Le PIB, indice purement comptable basé sur les travaux du statisticien américain Simon Kuznets, remonte aux années 1930 [à l’époque, on parlait de PNB, produit national brut, NDLR]. Après le krach de 1929, cet indice économique s’est imposé comme la mesure tout puissante de la santé des pays, aux prises avec la crise économique. Et depuis bientôt un siècle, en gros, le bonheur national, c’est avoir de l’argent.

LA RÉFLEXION PROGRESSE

Remettre en cause une idée aussi répandue n’est pas chose aisée. Tout a commencé il y a une vingtaine d’années, avec l’Indice de Développement Humain, mis en place par les Nations unies. Mais, malgré une reformulation en 2011, il est de plus en plus critiqué pour sa trop grande simplicité (PIB + espérance de vie + niveau d’éducation).

Depuis la réflexion n’a de cesse de progresser. En 2008, à la faveur de la crise financière, Nicolas Sarkozy met en place la Commission Stiglitz (1), chargée de trouver un indice moins comptable de la richesse du pays (prise en compte du développement durable et du bien-être). Parallèlement, une initiative citoyenne voit le jour : le FAIR, Forum pour d’autres indicateurs de richesse (2). Ce collectif d’intellectuels et de militants associatifs se montre plus radical dans la critique de l’impact de l’activité économique : il estime qu’on ne doit pas comptabiliser, par exemple, l’activité économique qui répare ses propres dégâts.

DES INVARIANTS

Mais quoi mesurer exactement ? Des indices tels que le Happy Planet Index, issu d’un laboratoire d’idées britannique, ou le World Happiness Report, publié par les Nations unies, tentent de dépeindre depuis peu l’état du bonheur à travers le monde. Pour le premier, l’empreinte écologique des activités humaines est prioritaire, alors que le second s’intéresse de près au ressenti des immigrants dans le pays d’accueil. Quels que soient les indices, on retrouve cependant les invariants suivants : l’espérance de vie en bonne santé et les inégalités de revenus.

Réduire les désaccords entre statisticiens permettrait cependant de franchir une étape. Encore faudrait-il ensuite pouvoir donner une place politique à cette mesure du bonheur national. Pour l’instant seul le Bhoutan, royaume coincé entre la Chine et l’Inde, a inscrit la recherche active du bonheur dans sa Constitution. Son indice, le bonheur national brut (BNB), est reconnu par la communauté internationale comme l’indice fondateur de la démarche.

(1) Du nom de l’économiste américain Joseph Stiglitz qui préside la commission
(2) Qui veut aussi dire juste, équitable en anglais
=> Pour aller plus loin, une interview de la journaliste d’investigation Marie-Dominique Robin, par nos confrères du magazine Kaïzen :


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À propos de l'auteur
Infirmier, diplômé en Pratique de l’Intervention Sociale, je m’intéresse à l’intelligence collective et à ses applications dans l’amélioration de notre cadre de vie.
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