Dans cet essai, le sociologue Razmig Keucheyan étudie l’artificialisation des besoins de l’être humain contemporain. Et dessine les voies de l’émancipation.
Le genre
Essai sociologique.
Le pitch
Qu’il s’agisse de notre manie de l’éclairage électrique à toute heure ou de notre addiction à la consommation, l’auteur étudie l’artificialisation des besoins de l’être humain, dont la satisfaction impossible conduit à une sorte d’aliénation.
L’auteur
Docteur en sociologie, Razmig Keucheyan est professeur à l’université de Bordeaux. Il a déjà fait paraître plusieurs ouvrages sur l’écologie et l’analyse des nouveaux courants politiques.
Mon humble avis
Cet essai, très accessible et instructif m’a permis de distinguer le besoin légitime, authentique (naturel ou culturel), dont la satisfaction apporte du plaisir, du besoin artificiel qui laisse en état de frustration et/ou qui n’est pas soutenable.
J’ai apprécié, outre un édifiant démontage de l’orchestration des besoins et de l’hyper-consommation par le système capitaliste, que l’auteur propose des solutions pour promouvoir un mode de consommation éclairé (produits garantis pendant dix ans, présence des associations de consommateurs au sein de dispositifs de démocratie directe…).
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Une phrase du livre
« La consommation devenant un but en soi, structurant la vie sociale, déterminer à quels besoins elle répond (ou non) se pose de façon pressante à la pensée critique et aux mouvements contestataires. »
Un extrait du livre
« La pollution lumineuse et la revendication du ‘droit à l’obscurité’ soulèvent une question fondamentale, la question du siècle : de quoi avons-nous besoin ? Sous-entendu : de quoi avons-nous vraiment besoin ? L’éclairage artificiel est-il un besoin légitime ? Est-ce un besoin soutenable pour l’environnement et la santé, à la fois physique et psychique ? La lumière artificielle n’est pas un besoin naturel, du même ordre que se nourrir ou se protéger du froid, un besoin dont dépend la survie de l’organisme. Physiologiquement, il est possible de vivre sans. C’est ce que nos ancêtres ont fait pendant des millénaires. Pourtant, sans être un besoin naturel, c’est un besoin important, et peut-être même aujourd’hui essentiel. Notre mode de vie, des activités auxquelles nous ne sommes pas prêts à renoncer dépendent en bonne partie de lui.
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Tout l’enjeu est donc d’admettre que l’éclairage artificiel est à la fois un besoin légitime et une forme de pollution à combattre. Il est de fixer le seuil qui sépare l’éclairage artificiel légitime de l’éclairage excessif, c’est-à-dire de la pollution lumineuse. Cette question ne concerne pas seulement la lumière artificielle. Avec la crise environnementale, l’humanité s’apprête à connaître des bouleversements économiques et politiques majeurs. La transition écologique qui s’annonce suppose de faire des choix de production et de consommation drastiques, afin de réduire le flux de matières premières et la dépense énergétiques. Elle suppose de combattre le productivisme et le consumérisme capitalistes.
Mais sur quelles bases ces choix doivent-ils être faits ? Comment distinguer les besoins légitimes qui pourront être satisfaits dans la démocratie écologique future, des besoins égoïstes et insoutenables, qu’il faudra renoncer à assouvir ? Une théorie des besoins humains est nécessaire pour cela. »
Razmig Keucheyan, Les besoins artificiels, comment sortir du consumérisme, Éditions La Découverte, collection Zones, 2019, 250 pages.