Jeff Bezos, Bill Gates… Les milliardaires investissent dans des technologies censées contrôler le climat. Le journal minimal fait le point.
Jeff Bezos, l’homme le plus riche du monde, vient de créer une fondation dotée de 10 milliards de dollars pour lutter contre le réchauffement climatique : » The Bezos Earth Fund ». Comme Bill Gates ou Richard Branson avant lui, il compte développer des technologies révolutionnaires. La naissance de la fondation a été annoncée le 17 février 2020 par le PDG d’Amazon directement sur son compte Instagram :
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La nouvelle a provoqué quelques railleries. Amazon utilise en effet des serveurs informatiques très polluants et envoie chaque jour des colis sur l’ensemble du globe. Dès le lendemain, Attac France a accusé Jeff Bezos de vouloir « se donner bonne conscience » avec sa fondation. Le milliardaire avait déjà été critiqué en janvier après son don de 690 000 dollars à l’Australie pour lutter contre les méga-feux qui ravageaient le continent. Les pompiers américains lui avaient alors fait remarquer que s’il payait ses impôts en Californie, il pourrait les aider à lutter contre les gigantesques incendies.
UN GRAND BOUCLIER
Il faut sans doute s’attendre à tout avec cette « Fondation Jeff Bezos pour la Terre ». L’homme le plus riche du monde s’engage à financer des militants, des scientifiques, mais aussi à « chercher de nouvelles façons de lutter contre l’impact dévastateur du changement climatique ». Une formulation floue, qui évoque l’univers de la géo-ingénierie, sachant que Jeff Bezos a déjà créé la société Blue Origin pour développer l’activité humaine dans l’espace.
La géo-ingénierie désigne un ensemble de techniques de modification du climat, plus ou moins farfelues. Telles que la création d’un grand bouclier pour limiter l’arrivée des rayonnements solaires ou l’ajout de chaux dans les océans pour favoriser l’absorption de CO2. Ces techniques s’inscrivent dans la volonté d’élaborer un plan B quand le plan A, qui consiste à changer notre mode de vie, semble délaissé par les politiques.
La géo-ingénierie intéresse particulièrement les milliardaires. Avant Jeff Bezos, Bill Gates, le fondateur de Microsoft, s’est rapproché de deux scientifiques très influents dans le domaine : le physicien David Keith et le spécialiste des sciences de l’atmosphère Ken Caldeira. Bill Gates finance depuis plusieurs années le projet ScoPEX (expérience de perturbation stratosphérique contrôlée).
L’objectif de ce projet est d’envoyer un ballon à 20 kilomètres d’attitude pour qu’il libère des particules (petits panaches de carbonate de calcium). Celles-ci vont modifier l’atmosphère pour limiter l’arrivée des rayons du soleil, un moyen radical de lutter contre le réchauffement climatique ! Aucune date n’a encore été fixée pour une expérience en dehors des laboratoires. Mais l’année dernière, quarante fondations et ONG ont envoyé une lettre ouverte à huit membres du conseil consultatif de ScoPEX pour les dissuader de passer à l’acte.
Une précédente tentative d’injection de particules avait été annulée en 2011, au Royaume-Uni, en raison des inquiétudes de la population et du manque d’encadrement juridique.
UN MORATOIRE DEPUIS 1992
Tout comme Bill Gates, le canadien N. Murray Edwards, une des plus grosses fortunes canadiennes (mines, pétrole…), investit dans des sociétés de géo-ingénierie. Il a par exemple soutenu la société Carbon Engineering qui fait des recherches sur la capture de CO2 dans l’atmosphère pour ensuite l’utiliser et le stocker. Et n’oublions pas Richard Branson : le PDG de Virgin a lancé en 2011 le « Virgin Earth Challenge » promettant 25 millions de dollars a celui ou celle qui concevrait le meilleur plan d’extraction du carbone de l’atmosphère. Toutes ces recherches n’ont cependant pas abouti à des expérimentations à grande échelle.
Un moratoire est actuellement en cours sur les techniques de géo-ingénierie. Lors du Sommet de la Terre à Rio de Janeiro en 1992, des scientifiques avaient expliqué qu’il n’était pas possible de prévoir les conséquences de telles modifications sur le climat, ce qui avait conduit à l’adoption d’une Convention sur la diversité biologique. Les techniques de géo-ingénierie pourraient provoquer, avertissaient-ils, des moussons en Asie et une forte sécheresse en Afrique.
Actualisé en 2010, le moratoire empêche les expérimentations à grande échelle, mais rien n’est dit sur le financement d’expériences à plus petites échelles. D’ailleurs, des États comme les États-Unis n’ont pas ratifié la Convention et pourraient se permettre de plus grandes libertés. Les milliardaires n’ont sans doute pas fini de jouer avec le climat.
Une réponse
Merci pour l’article ! Je me demande s’ils ne seraient pas passé à l’action récemment, malgré l’interdiction… Ils ont l’habitude de contourner les lois à leur niveau