Des institutrices racontent au journal minimal les situations cocasses générées par le port généralisé du masque à l’école et le respect du protocole sanitaire.
Faire cours à des enfants, c’est déjà difficile en temps normal, mais là cela devient très très sportif : non seulement les institutrices sont masquées mais les élèves aussi, et les parents ne mettent pas forcément de l’huile non plus ! Témoignages recueillis par Élodie Müntz.
Anne, enseignante dans une classe en double niveau CP/CM2 (Seine Saint-Denis).
« L’autre jour, un élève me disait que ça ne sentait pas bon dans son masque. Je lui ai demandé s’il s’était lavé les dents ce matin. Il a fait les yeux ronds, il n’avait pas fait le rapprochement. J’ai posé la question dans ma classe et beaucoup d’enfants n’avaient pas fait le lien non plus. »
« Lorsqu’un élève met mal son masque et laisse sortir son nez, j’utilise la métaphore du slip en lui demandant si il laisse son zizi sortir de son slip. Généralement, le masque est remis correctement immédiatement. »
« L’autre jour, je demandais à mes CM2 si ce n’était pas trop dur pour eux de porter un masque toute la journée. L’un d’eux m’a dit: ‘On ne va pas se plaindre maîtresse, on porte le masque depuis la rentrée alors que vous, vous l’avez depuis l’année dernière’. Ça m’a fait chaud au cœur.
« L’autre jour, certains élèves se plaignaient du port du masque. Pour détendre l’atmosphère, je leur ai dit d’imaginer la situation si le covid était un virus intestinal. Nous serions tous avec des couches ! Ça les a beaucoup fait rire. »
« Les parents ne doivent pas approcher l’école à moins d’une certaine distance. Nous avons dessiné une trace au sol à ne pas dépasser. Un papa s’est beaucoup trop approché du portail et la directrice est venue lui demander de s’éloigner. Le papa en a déduit qu’elle était raciste et s’est montrée très virulent. »
« La mère d’un de mes élèves, après avoir lu sur internet que les masques étaient nocifs pour les enfants, a refusé de mettre son fils à l’école. Elle ne voulait rien entendre. Cela a duré quatre jours. Elle a fini par être convoquée par l’inspecteur et son fils est retourné à l’école, avec un masque. »
Nathalie, enseignante dans une classe de CP (Val-d’Oise).
« Mes élèves ont entre 6 et 7 ans, le premier jour de l’année j’étais la seule à porter un masque. Pleine d’enthousiasme j’ai commencé à vouloir leur expliquer certaines notions, cela avait complètement embué mes lunettes. La situation les avait fait beaucoup rire. »
« C’est vraiment difficile de travailler avec un masque, d’autant que je dois apprendre la prononciation à mes CP. L’autre jour, je prononçais le b et le p. Malgré tous mes efforts ils n’arrivaient pas à saisir la différence. Finalement j’ai été obligée d’enlever mon masque, en me mettant le plus loin d’eux possible évidemment. »
« Je sens que les élèves sont stressés par le contexte sanitaire. À la rentrée, lorsque nous avions parlé des règles de vie pour le bon fonctionnement de l’année, je m’attendais à ce qu’ils me répondent, comme d’habitude qu’il ne faut pas pousser ses camarades ou ne pas courir dans les couloirs. Ils m’ont tout de suite dit qu’il fallait se laver les mains ou garder ses distances. »
Anne, enseignante dans une classe de double niveau grande-section et CP (Val-d’Oise).
« Les enfants doivent se laver les mains en moyenne 8 fois par jour. Ils sont 26 mais doivent attendre car nous n’avons qu’un seul robinet. Un jour je me suis aperçue que des petits malins s’étaient glissés dans la file des mains lavées. Je leur ai demandé s’ils s’étaient bien lavé les mains et ils m’ont répondu qu’ils avaient oublié. »
« En début d’année, l’éducation nationale nous avait fourni une dizaine de masques lavables vingt fois. Puis nous avons appris par la presse [cf les révélations de Reporterre]qu’ils étaient potentiellement toxiques. Il y aurait des risques de cancers. Du coup, mes collègues et moi avons dû acheter des masques jetables sur nos salaires. »
Lucille, enseignante dans une classe en double niveau petite-grande section de maternelle (Paris).
« À la rentrée l’école n’avait toujours pas reçu les masques. Mes collègues et moi avons dû ramener les nôtres pour toute la première semaine de cours. »
« L’autre jour je demandais à mon ATSEM (Agent territorial spécialisé des écoles maternelles, chargé d’aider l’institutrice) si elle savait où était le chiffon. Un enfant à côté me dit : ‘Je connais cette chanson’ et il se met à fredonner ‘Ainsi font font font les petites marionnettes’. Il avait entendu ‘sifon’ au lieu de chiffon et avec l’intonation accentuée à cause de mon masque il a dû croire que je chantais, ça m’a fait sourire. La communication avec les enfants est vraiment plus compliquée cette année. »
Laurence, enseignante dans une classe de CE2 (Yvelines).
« Pour les élèves aussi c’est plus dur de se faire comprendre et de se concentrer avec un masque. Ils ont tendance à jouer avec, ils le touchent en permanence et tentent parfois de l’enlever. »
« Un jour j’ai demandé aux élèves de deviner ce qu’il y avait dans mon sac. Sur 28, ils étaient 6 à penser que j’avais une arme et les autres imaginaient du gel hydroalcoolique ou des masques. Ils sont vraiment marqués par le contexte actuel. »
« Un jour j’ai demandé à mes élèves d’écrire sur le thème : « Qu’est-ce qui vous énerve ? ». Les autres années, il y avait des réponses comme « mon frère/ma sœur ». Eh bien cette année, c’est : ‘le confinement’.
Nourel, enseignante dans une classe de CM1 (Val d’Oise).
« Les élèves sont très perturbés par le protocole sanitaire qui implique une nouvelle organisation de l’école. Ils me posent sans cesse des questions : pourquoi tous les élèves de la classe vont dans les mêmes toilettes et les filles et les garçons ne sont-ils plus séparés ? Pourquoi est-ce que nous ne voyons plus les autres classes à la récréation ? Je leur explique que le but est d’éviter qu’ils se croisent entre eux, donc que les toilettes et la récréation sont répartis par classe. »
« Les dictées sont beaucoup plus difficiles. La dernière fois, en corrigeant les copies, je me suis rendue compte que certains élèves avaient collé les mots. Ils n’avaient pas compris ma prononciation à cause du masque. »
« Quand les élèves sont trop bavards, je n’ai pas l’habitude de crier. Je préfère montrer un visage fermé, pour qu’ils comprennent qu’ils font une bêtise. La dernière fois à cause du masque, ils ont mis plus de temps à comprendre que j’étais énervée : j’essayais de leur lancer un regard noir, de froncer les sourcils mais ils ne le percevaient pas. »
« Avec le plan Vigipirate, nous ne pouvons plus aller au gymnase qui n’appartient pas à l’école. Nous devons faire sport dans la cour, il n’y a pas d’autres infrastructures. Il est impossible de faire endurance car les enfants ne vont pas courir avec le masque et il est impossible de maintenir une distance de deux mètres entre chacun lorsqu’ils courent. Je vais essayer de leur faire du yoga, mais en espérant qu’il ne fasse pas trop froid. »
« L’autre jour, à la fin de la journée, j’avais mal à la gorge. Je ne savais pas trop pourquoi. En échangeant avec mes collègues, je me suis rendue compte que nous partagions le même constat : c’est à cause du masque. »
2 réponses
« Institutrice » donne un côté très désuet et suranné. Depuis 1990, les enseignants des écoles maternelles et primaires sont recrutés sous le statut de professeur des écoles. Il ne doit pas rester beaucoup d’institutrices 😉
Hi hi hi, vous avez raison Julie 😉