La Maison verte #07 : J’allaite, je n’ai pas envie que mon bébé boive du lait industriel

En plein scandale sanitaire avec le lait en poudre Lactalis contaminé aux salmonelles, June Caravel défend les bienfaits de l’allaitement maternel.

Une femme allaite son bébé
Illustration extraite de l’ouvrage Les seins dans l’histoire, Paris, 1903.

La méthode la plus naturelle pour nourrir son bébé et la plus adaptée à ses besoins est loin d’être la plus répandue en France. Je cherchais des statistiques l’autre jour et apparemment seules 2 femmes sur 10 allaitent jusqu’à six mois comme le recommande l’Organisation mondiale de la santé. C’est extrêmement peu… Surtout si l’on compare ce chiffre à celui des pays scandinaves : en Norvège, ce sont 7 femmes sur 10 qui allaitent encore au bout de six mois.

Pour ma part, avant même la naissance de mon enfant, il était hors de question de lui donner autre chose. Et le visionnage du documentaire La voie lactée, que m’a offert une amie après la naissance de mon enfant, a achevé de me convaincre.

Cependant, l’allaitement n’est pas une partie de plaisir. Avant même qu’il ne commence, une copine me disait que je devais me « malaxer » les tétons pour me préparer. Bon, j’ai malaxé sans conviction, 2, 3 fois…

Mais en fait rien ne prépare à la succion 20 fois par jour d’un nourrisson durant les premières semaines… et aucun instinct n’était là pour que je sache comment placer au mieux mon bébé au sein. Avant d’accoucher je me demandais pourquoi il y avait des conseillères en lactation, maintenant vu toutes les difficultés éprouvées, je comprends mieux…

Pour tout dire, au début à la maternité, à chaque fois que je voyais une infirmière je lui demandais de me remontrer comment placer le bébé. Car je n’y arrivais pas. J’avais toujours mal au dos, aux seins. Et la troisième nuit après sa naissance, lors de la montée de lait, quand je me suis trouvée incapable de dormir et que l’infirmière m’a proposé des couches Pampers congelées à poser sur mes seins pour supporter la douleur, j’ai envoyé valser le zéro déchet et le fait qu’elles soient jetables et contiennent les pires perturbateurs endocriniens pour goûter quelques heures de soulagement en les calant dans mon soutien-gorge d’allaitement. J’aurais donné n’importe quoi pour que ça s’arrête !

TROIS SEMAINES POUR S’HABITUER

Mon compagnon aime à raconter comment, telle une amazone, je me suis baladée durant une bonne semaine dans la maison avec les seins à l’air pleins de crème car les crevasses (autrement dit de vilaines croûtes comme sur une éraflure) avaient eu raison de mes tétons. Je ne vous parle pas des quelques engorgements par-ci par-là qui font prier pour que le bébé se réveille et vous tète au plus vite… Je ne vous parle non plus des nombreuses fois où j’ai hurlé « PUTAIN !!! » et grimacé de douleur quand mon enfant me prenait le sein, durant ces trois premières semaines de l’allaitement. C’est le temps qu’il m’a fallu pour ne plus avoir mal et m’y faire. Une copine m‘a dit récemment qu‘elle avait évité tous ces écueils grâce aux coquillages d‘allaitement. En effet, le lait maternel est cicatrisant et si on maintient en permanence ses tétons dans son propre lait alors pas de crevasses… J‘aurais bien aimé le savoir plus tôt ! Enfin pour le deuxième je saurai :).

Le juteux marché du lait infantile
« Le lait infantile pèse 600 milliards d’euros par an, dans un marché de la nourriture pour enfant proche du milliard. »
Source : Le Journal du Dimanche (14/01/2018).

Bref, je ne comprenais pas trop pourquoi les femmes abandonnaient l’allaitement alors que c’est ce qu’il y a de mieux pour l’enfant. Mais maintenant, je le sais : ça fait mal. Et puis il y a aussi celles qui ont un traitement et qui ne peuvent pas allaiter. Celles qui veulent pouvoir dormir la nuit et donc partager la tâche avec le papa.

Et celles qui reprennent le travail…
Certaines n’ont pas envie de continuer à tirer leur lait (une femme m’a même dit qu’elle n’aimait pas ça, qu’elle se sentait comme une vache qu’on trait…).

UNE LOGISTIQUE DE MALADE

Cela va faire neuf mois que j‘allaite et franchement je me demande si j‘aurais continué si je ne travaillais pas à mi-temps, avec la possibilité de travailler de chez moi. Car la logistique pour tirer son lait est folle !

Il me faut environ trois quarts d’heure pour traiter les 2 seins à raison de 2 fois par jour (pour que la crèche en ait pour le midi et le goûter). Il faut ensuite laver les téterelles qui ont recueilli le lait, étiqueter les récipients avec la date et l‘heure et placer le tout au frigo ou au congélateur (le lait frais ne se conserve pas plus de quarante-huit heures et le lait décongelé pas plus de vingt-quatre heures).

Une machine tireuse de lait.
La tireuse (photo : June Caravel).

Bref, imaginez maintenant la scène au travail (ce que j‘ai du faire quand même 3, 4 fois). Il vous faut ne pas oublier de mettre un pain de glace au congélateur en arrivant pour pouvoir transporter le lait au retour (car il doit rester au frais), vous êtes parfois en pleine réunion quand sonne l‘heure de tirer son lait et là, il ne vous reste plus qu‘à planquer vos seins sous votre écharpe et à tirer votre lait et faire comme si de rien n‘était en vérifiant le niveau de temps à autre discrètement.

Oh oui, la loi prévoit bien une heure (non payée) pour tirer son lait et l‘employeur doit pouvoir fournir en endroit isolé où l‘on peut tirer son lait tranquillement. Mais c’est pour moi un parcours du combattant, entre aller dans la salle à perpette, installer le matériel, le laver une fois utilisé et aller mettre le lait dans le frigo. Et je ne connais pas grand monde qui puisse se permettre de s‘asseoir sur cinq heures de salaire par semaine.

QU’Y A-T-IL DANS UNE BOITE DE LAIT EN POUDRE ?

Donc je pense que malheureusement, pour beaucoup de femmes, le retour au travail signifie le sevrage du bébé et donc l‘introduction du lait maternisé…

Avez-vous regardé sa composition ? Il contient 3 types d‘huile dont de l‘huile de palme et toutes sortes de choses… Oui, les industriels donnent de l‘huile aux bébés faute de savoir reproduire un lait maternel à la composition unique qui change tous les jours en fonction de son alimentation… Alors, à quand un congé maternité allongé pour celles qui choisissent d‘allaiter ?

Boite de lait maternisé (en poudre)
La composition du lait en poudre que j’achète à la pharmacie (photo : June Caravel).

Depuis deux mois, j‘ai un peu moins de lait. Je suis passée de 380 ml à 250 ml quand je tire mon lait 2 fois par jour. Parfois cela remonte à 350 ml. Peut-être est-ce le fait de la diversification alimentaire, de ma fatigue, ou du fait que parfois je ne bois pas assez ? Ou un peu de tout cela…

Mais je vais essayer de tenir le coup aussi longtemps que possible car non, je n‘ai pas vraiment envie que mon enfant boive de l‘huile de palme en biberon, si ce n’est du lait contaminé.

• Retrouvez tous les épisodes de La maison verte.
• À lire aussi, au sujet du lait industriel, notre fiche de lecture sur Les cartels du lait, la grande enquête de Karl Laske et Elsa Casalegno, avec Nicolas Cori, dans laquelle il est longuement question de Lactalis.

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À propos de l'auteur
J’écris sur le thème du « zéro déchet » depuis mon épiphanie écologique en 2014. Je suis par ailleurs auteur de chansons, romans, scénarios et comédies musicales.
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3 réponses

  1. Bonjour,
    Je suis d’accord avec votre article. J’ai allaité 2 ans et demi et avec le temps (elle a 13 ans aujourd’hui) je suis très contente d’avoir pu le faire (avec un mi-temps de 6 mois). Le temps efface les douleurs mais le bénéficie pour l’enfant reste toute sa vie.
    Bon courage.

    1. Pour ma part la douleur est deja effacée 😉 Quoiqu’il me morde parfois maintenant ahah. 2 ans et demi ! Et comment cela se passe-t-il a partir d’un an ? Reste-t-il seulement 2 tétées par jour ?

  2. Bonjour,
    Merci pour votre article. J’ai allaité mon fils pendant 18 mois en tout et mon vécu est très différent du vôtre. Pour ma part je n’ai presque jamais eu de douleurs (quelques jours à la montée de lait, et un épisode d’engorgement quelques mois plus tard, c’est assez peu sur 18 mois), jamais de crevasses, sans pommade, sans coquilles, sans soutien-gorge d’allaitement, tout en simplicité !
    – dès la naissance, mon bébé a bien tété, et les explications que m’avait données ma sage-femme sur les positions d’allaitement m’ont suffi pour que je trouve facilement comment bien positionner le bébé
    – en vacances ou en sortie, je voyais les autres parents galérer avec leurs boîtes de poudre, leur chauffe-biberon, où peut-on trouver une prise électrique etc, et pendant ce temps-là le bébé qui hurle… pour ma part c’était ultra simple: je soulevais le tee-shirt et hop c’était prêt, et toujours à bonne température ! Pour passer une journée complète dans une réserve naturelle sans eau ni électricité, pas de problème pour nourrir le petit, aucune logistique à prévoir de ce côté-là, c’est très pratique.
    – j’ai tiré mon lait pendant environ 1 an, ça me prenait 10 minutes par jour, nettoyage inclus. Tout dépend de la machine qu’on a : évidemment si on peut faire les deux seins en même temps on va deux fois plus vite, et quand on a un bon appareil c’est rapide, efficace et pas douloureux. On l’emprunte en pharmacie et c’est pris en charge par la sécu, on n’a que les téterelles à sa charge. Quant aux « horaires » c’était assez souple, certains jours c’était plus tard que d’autres, j’avais les seins bien tendus, c’est là que je battais mes records, 150 ml de chaque côté, puis dès qu’ils étaient soulagés ça allait mieux. Je stockais les excédents au congélateur. Sinon si on ne peut pas tirer son lait au travail, on peut aussi continuer à allaiter matin et soir, c’est toujours ça !
    – les bébés allaités sont moins malades, et c’est très agréable d’avoir un bébé qui va bien et qu’on n’emmène pas chez le médecin tous les quatre matins.
    – le seul point négatif c’est qu’il semblerait que les bébés allaités mettent plus longtemps à faire leurs nuits.
    J’encourage toutes les femmes à allaiter leur bébé !
    Et je vous souhaite, si vous avez un autre enfant un jour, de connaître un allaitement plus facile que celui que vous décrivez.

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