Devant les patrons, Fillon et Macron prêts à zigouiller le principe de précaution

PRÉSIDENTIELLE. Les entrepreneurs réclament aux candidats la fin du principe de précaution en matière environnementale et sanitaire… Fillon et Macron ne disent pas non.

Auteur : Ferdinand Barth
Dessin : Ferdinand Barth, 1882.

Ce mardi 28 mars, Fillon, Le Pen, Macron et Cheminade sont conviés par le Medef à une Matinale Entreprises et Politiques spéciale Présidentielle, sur le thème : « faire de la France un moteur de l’économie de demain ». Sera-t-il, encore une fois, question du principe du précaution, que de nombreux chefs d’entreprise aimeraient voir disparaitre ?

Rappel : le principe de précaution, c'est quoi ?
Constitutionnalisé en 2005 à la suite des scandales de la vache folle, du sang contaminé et des craintes relatives aux OGM, ce principe apparu dès 1992 dans le droit international prône la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et l’adoption de mesures provisoires lorsque l’état des connaissances scientifiques ne permet pas d’écarter la survenue d’un dommage environnemental grave et irréversible.

Ce que veut le Medef. Le syndicat patronal souhaite instaurer « une dialectique gagnante » entre le principe de précaution et « un principe d’audace » qui serait, lui aussi, inscrit dans la Constitution.

Ce que veulent les Chambres de commerce et d’industrie. Les CCI ont acheté des pages entières de publicité dans la presse à la mi-mars pour demander « aux candidats et candidates à l’élection présidentielle de faire de l’entrepreneuriat la priorité de leur quinquennat ». Sur la table, les CCI ont posé 9 propositions. Et la 9e évoquait, pour ceux qui savent lire entre les lignes, le sabotage du principe de précaution, puisque les études d’impact seraient réalisées par les instances consulaires :

Extrait du document de la CCI
La 9e des 9 propositions publiées par les CCI à l’adresse des candidat(e)s à la présidentielle.

Ce que veut la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME). Dans son livret blanc rassemblant 89 propositions pour la présidentielle le syndicat des petits patrons réclame le remplacement du principe de précaution par un « principe d’innovation » :

Extrait du livret blanc de la CPME
Extrait du livret blanc de la CPME pour la présidentielle 2017.

Invités à un débat le 6 mars dernier devant les adhérents de la Confédération, les candidats qui ont reçu le plus d’applaudissements sont Fillon et Macron, loin devant Le Pen et Dupont-Aignan. Et ce n’est sans doute pas un hasard, vu leurs positions respectives.

Ce que propose Fillon. S’il est élu, le candidat Les Républicains supprimera le principe de précaution. C’est écrit dans son programme pour l’environnement et la transition énergétique : « Nous avons la capacité d’être aux premiers rangs européen et mondial. Mais pour cela il nous faut emprunter les voies de l’innovation et du progrès scientifique, ne pas renoncer aux projets d’avenir au nom du principe de précaution, qui sert aujourd’hui de prétexte à l’inaction. Ce dernier doit disparaitre au profit du principe de responsabilité. »

Ce que propose Macron. Sans aller aussi loin, le candidat En Marche a déclaré au WWF le 9 février dernier qu’il était pour le maintien du principe de précaution « mais pour, en même temps – ce qui est totalement compatible –, que la France soit un pays qui aime le risque, qui accepte l’échec et qui valorise l’innovation, l’invention, la technologie. » Les spécialistes en droit de l’environnement, tel l’avocat Arnaud Gossement, y ont vu « une charge plus fine que celle de Fillon, et c’est là qu’est le danger ». Interrogé par Bastamag, l’avocat rappelle d’ailleurs que Macron était le rapporteur général adjoint de la commission Attali pour la libération de la croissance française, qui dès 2007 préconisait l’abrogation du principe de précaution au nom d’une sacro-sainte « innovation ». Ce qui est sûr, c’est que ce principe d’innovation n’est ni très nouveau, ni surtout très rassurant.

Les candidats sécuritaires Le Pen et Dupont-Aignan l’ont bien compris, qui promettent aux Français d’appliquer le principe de précaution pour les OGM et les vaccins (mais pas pour le nucléaire et le diésel, faut pas pousser). Quant à Hamon et Mélenchon, favorables au développement du principe de précaution, ils n’ont pas répondu aux invitations des lobbys patronaux.


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À propos de l'auteur
Journaliste, co-fondatrice du journal minimal, je suis spécialiste des questions de société.
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2 réponses

  1. Le principe de responsabilité, c’est bien de punir en proportion des dommages causés, les responsables, leurs sociétés, les actionnaires, leurs gestionnaires de fortune (qui mettent les actifs à l’abri), et les familles et descendants ?

    C’est-à-dire de pouvoir confisquer tous les biens des CCI et de leurs dirigeants, ainsi que des entreprises qui ont bénéficié de leur « prise de risque » ?

    1. Bonjour Philippe, mdr, je suis tout à fait d’accord avec votre définition du principe de responsabilité ! ? Malheureusement dans la bouche de F. Fillon je pense qu’il s’agit plutôt d’un principe… d’irresponsabilité.

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