Le journal minimal vous emmène à Marker Wadden, une île artificielle censée sauver la biodiversité au Nord d’Amsterdam. Le résultat laisse perplexe…
Achevée en 2016 et ouverte au public en 2018, l’île de Marker Wadden est un marais artificiel entouré de digues, dans la région industrielle située au nord d’Amsterdam. On y accède par bateau et l’on peut y observer diverses espèces d’oiseaux : busard, étourneau, épervier, goéland argenté, bruant des roseaux, vanneau, hirondelle rustique…
Cet archipel artificiel a été construit pour essayer de réparer la catastrophe causée par la construction d’un barrage hydraulique dans les années 1970 : l’Houtribdijk. Le barrage, surmonté d’une grosse route nationale, avait asséché complètement le lac Makermeer, qui communiquait auparavant avec la mer du Nord, l’eau s’était mise à stagner et la vase s’y était amassée. Cette boue forme aujourd’hui une couche d’environ trente centimètres.
La boue produite par le barrage est désormais rassemblée pour créer les îles artificielles de l’archipel Marker Wadden, explique Hans Van Amstel, bénévole au sein de l’association Natuurmonumenten, à l’origine du projet de restauration de la biodiversité (1). L’association espère de cette manière redonner vie à la végétation qui servira de nourriture aux animaux en pleine migration : « La boue et l’argile sont très fertiles, il faudra peu de temps pour voir la végétation pousser » espère le naturaliste.
Jumelles au cou et gilet vert fluo sur le dos, Hans Van Amstel accueille les visiteurs depuis le port de Batavia, à Lelystad. Quatre autres îles sont toujours en construction pour former un archipel sur le lac de Markeermeer, mais elle seront interdites aux visiteurs. « Nous créons un espace silencieux et sûr pour les oiseaux ». Les études scientifiques sont intenses sur le site, quinze universités travaillent en collaboration avec l’association sur ce projet.
Comment pourtant ne pas voir dans ce projet une situation complètement absurde ? Difficile de s’émerveiller des nuées d’oiseaux prenant leur envol, sans prêter attention aux navires qui, au loin raclent le fond du lac pour récupérer les boues. Un peu partout, des tuyaux d’évacuation d’eau et des bâches dépassent des dunes de sable. Au sol, des dalles de pierre marquent la trace de l’humain entre l’eau et la végétation. Faut-il vraiment se féliciter de devoir aller si loin dans l’artificialisation ? Peut-on redonner vraiment vie à la nature en la mettant sous perfusion ?
Le contrôle de l’eau est en tout cas au cœur de l’histoire et de la culture des Pays-Bas : « Dieu a créé le monde, mais les Néerlandais ont créé les Pays-Bas », vante un dicton local (2). Cependant, l’inquiétude face à la montée des eaux grandit dans le pays. Jusqu’à 60% du territoire pourrait être inondé à l’avenir, d’après le programme Delta de surveillance et gestion de l’eau. Mais les Pays-Bas comptent bien tout faire pour s’en prémunir, entre autres par des barrages, évidemment !
À lire aussi : Plus de 1000 km2 de terres sauvages artificialisées chaque année en Europe.
(2) Le magazine Géo a fait une carte des grands travaux de maîtrise des eaux des Pays-Bas.