Le syndrome de l’autruche, pourquoi notre cerveau veut ignorer le changement climatique

Essayer de convaincre les climato-sceptiques ne sert à rien. Selon l’écologiste américain George Marshall, il faut plutôt essayer de les toucher au cœur. Pour cela, il appelle à bâtir un récit commun.

Le syndrome de l’autruche.

Le genre
Essai

Le pitch
La question fondamentale que pose l’ouvrage à tout écolo est : voulons-nous éviter à nos enfants de griller vifs, ou bien voulons-nous avant tout faire la nique aux climato-sceptiques ? Cela ne signifie pas qu’il faut accepter les arguments de Donald Trump, de notre voisin en 4×4, ou des compagnies pétrolières. Cela signifie, avant tout, qu’il faut comprendre pourquoi nous pensons comme nous pensons, et pourquoi eux pensent comme ils pensent.

L’auteur
Ancien militant de Greenpeace USA et de la Rainforest Foundation, Georges Marshall a créé le Réseau d’information et de sensibilisation sur le climat (Climate Outreach and Information Network) à Oxford, en Angleterre.

Mon humble avis
Je sais si un bouquin m’a réellement intéressé au nombre de pages que je corne pour y revenir plus tard. Dans le cas du Syndrome de l’autruche, la tranche a doublé de volume.

L’auteur est astucieux. Il commence par disséquer la construction de nos convictions, avec une approche très anglo-saxonne : méthodique, documentée et didactique. Puis il propose des pistes concrètes. Pas pour résoudre le bouleversement climatique, mais pour mettre en branle le changement des mentalités.

La surprise du livre, et de taille, est de démontrer que, au fond, les processus mentaux à l’œuvre sont assez similaires chez les écolos et chez leurs opposants. Au passage, Marshall cite des études montrant que l’acceptation du risque climatique n’a rien à voir avec le QI.

Après avoir rencontré des dizaines de psychologues, neurologues, sociologues, après avoir discuté avec des libertariens, des partisans de l’America first (« L’Amérique d’abord »), des industriels, il s’est forgé une intime conviction : dans l’état d’urgence climatique, il est tout à fait possible de gagner ceux que nous considérons comme nos adversaires à la cause sans renier nos valeurs ni nos objectifs – si nous ne demandons pas aux climato-sceptiques, au préalable, de se renier eux-mêmes. Il faut juste trouver, affirme-t-il, des codes que le camp d’en face puisse s’approprier. Il faut bâtir un autre récit.

Une anecdote personnelle, pour conclure : l’été dernier, un candidat Vert aux législatives me disait qu’il ne parvenait à toucher les climato-sceptiques que lorsqu’il évoquait la disparition des hirondelles (et non pas quand il parlait du lointain ours blanc). Voilà ce que nous devons apprendre à partager. Et voilà pourquoi on ressort de ce Syndrome de l’autruche avec l’envie de secouer le cocotier et, chose de plus en plus rare, avec l’espoir… qu’il reste un peu d’espoir.

Une phrase du livre
« Pour ceux qui doutent de la réalité du changement climatique, les exhortations à changer leur mode de vie ne font que confirmer leurs soupçons : la menace véritable vient de ces gauchistes d’écolos qui veulent contrôler chaque aspect de leur existence. »

Un extrait du livre
« Le changement climatique n’appartient pas aux écologistes ; ce n’est même pas une question environnementale. Bien sûr, il s’inscrit dans le cadre des préoccupations et incidences sur l’environnement, mais il le dépasse de très loin. Dès que nous le plaçons dans une catégorie, nous limitons la compréhension du problème.

Il est évident que les écologistes peuvent en parler autant qu’ils veulent sur leurs propres réseaux mais, pour attirer davantage l’attention et bénéficier d’une meilleure couverture médiatique, je vous le dis, laissez tomber tous les accessoires écolos, notamment les ours polaires, les « Sauvons la planète » et tout autre élément de langage qui cantonne le changement climatique au domaine culturel exclusif de l’écologie.

Par-dessus tout, il nous faudra combler le fossé partisan entre la gauche et la droite en ouvrant le changement climatique aux cadrages conservateurs et en leur permettant de s’approprier la question.

Il est essentiel pour cela d’affirmer des valeurs plus universelles, qui, des expériences l’ont montré, rendent les populations bien plus disposées à accepter des informations qui remettent en cause leur vision du monde. Les communicants devront ainsi inverser le courant qui transforme les données scientifiques en valeurs, et commencer par comprendre et valider les valeurs, puis trouver des façons de les faire dialoguer avec la problématique du changement climatique. »

Le syndrome de l’autruche, pourquoi notre cerveau veut ignorer le changement climatique, George Marshall, traduit par Amanda Prat-Giral, Actes Sud, collection « Domaine du possible », 2017, 416 pages. Préfaces de Jacques Mirenowicz et Cyril Dion.

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À propos de l'auteur
Journaliste au magazine National Geographic France, auteur, j’essaie de débusquer dans ma banlieue de Seine-Saint-Denis quelques atomes d’enfance à la campagne.
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