Écotopia

Best-seller des années 1970, le roman Écotopia, du journaliste américain Ernest Callenbach, imagine une société écologique. Ce rêve résonne avec l’urgence climatique actuelle. Il vient d’être réédité.

Écotopia, d’Ernest Callenbach, réédité en 2018 aux Éditions Rue de l’Échiquier. Photo: Marie Pragout.

Le genre
Utopie.

Le pitch
Trois États d’Amérique du Nord – la Californie, l’Oregon et Washington – ont fait sécession pour construire Écotopia, une nation entièrement écologique et totalement isolée du reste du pays. Un reporter américain, William Weston, est un jour autorisé à y séjourner pour enquêter sur cette nouvelle société.

Au fil de ses articles, il décrit les femmes au pouvoir, l’autogestion, la décentralisation, les vingt heures de travail hebdomadaire, le recyclage systématique, la recherche d’équilibre avec la nature… Un mode de vie très différent du sien qu’il découvre petit à petit, avec cynisme d’abord puis étonnement et enthousiasme.

Tout en éprouvant les nouvelles sensations de cette expérience, il compare ce monde avec la société de consommation dans laquelle il baigne.

L’auteur
Défenseur de la simplicité volontaire, Ernest Callenbach (1929–2012) est un écrivain, critique de cinéma et journaliste nord-américain. Son roman Écotopia a été traduit dans le monde entier. Il s’est vendu à près d’un million d’exemplaires.

Mon humble avis
Écotopia s’inscrit dans la lignée des grandes utopies anglo-saxonnes, notamment le célèbre Utopia de Thomas More, au 16e siècle. Ces lieux imaginaires permettent de réfléchir à d’autres modèles de société. De ce point de vue, l’utopie possède un ancrage politique certain.

Aujourd’hui, Écotopia a l’allure troublante d’un roman d’anticipation. Féminisme assumé, regain d’intérêt pour la terre, la nature et la préservation des ressources, retour à des petites échelles communautaires plutôt que volonté d’expansion des nations, réduction du temps de travail…

PERSPECTIVE DYNAMISANTE

L’ouvrage permet de se plonger dans une société fondée sur l’écologie dans tous les domaines. Un équilibre entre l’humain et la Nature qui prévaut sur les arbitrages économiques et financiers. Alors qu’en la matière, la littérature et le cinéma tendent aujourd’hui à produire des dystopies ou des scénarios d’effondrement, cette fenêtre sur un monde idéal « grandeur nature » ouvre sur les possibles, et sur les moyens concrets d’y parvenir.

Une perspective dynamisante, antidote aux effets paralysants de l’angoisse de fin du monde.

Une phrase du livre
« L’eau et l’air écotopiens sont partout d’une limpidité absolue. »

Un extrait du livre
« Pour la plupart des Américains, les Écotopiens sont des gens paresseux et indolents. Telles étaient nos conclusions après la déclaration d’indépendance, quand ils ont adopté la semaine de vingt heures. Pourtant, à mon avis, personne en Amérique n’a vraiment compris la rupture radicale que cela représentait avec notre mode de vie, et aujourd’hui encore on peut s’étonner que le gouvernement écotopien, dès sa prise de pouvoir, ait réussi à faire appliquer une mesure aussi révolutionnaire.

Ce qui était en jeu, soutiennent les Écotopiens avisés, n’était rien de moins que l’abrogation de l’éthique protestante du travail sur laquelle l’Amérique a été bâtie. Les conséquences furent très lourdes. En termes économiques, Écotopia dut renoncer à rivaliser avec des peuples travaillant davantage. L’industrie connut une crise durable. Le produit national brut chuta de plus de trente pour cent. Mais les effets les plus notables de cette semaine de travail réduite à vingt heures furent d’ordre philosophique et écologique : l’homme, affirmaient les Écotopiens, n’est pas fait pour la production, contrairement à ce qu’on avait cru au 19e siècle et au début du 20e. L’homme est fait pour s’insérer modestement dans un réseau continu et stable d’organismes vivants, en modifiant le moins possible les équilibres de ce biotope. Cette approche impliquait de mettre un terme à la société de consommation tout en assurant la survie de l’humanité, ce qui devint un objectif presque religieux, peut-être assez proche des premières doctrines du « salut » chrétien. Le bonheur des gens ne dépendait plus de la domination qu’ils exerçaient sur toutes les créatures terrestres, mais d’une coexistence pacifique et équilibrée avec elles. […]

Quelques militants écotopiens ont alors introduit une nouveauté dans ce raisonnement jusque-là très logique : pour les individus, le désastre économique n’était pas identique à une catastrophe mettant en péril leur survie même. En particulier, une panique financière pouvait se retourner en un bienfait, à condition d’organiser la nation pour qu’elle mobilise tous ses talents, ses compétences et ses ressources énergétiques au service des nécessités fondamentales de la survie. Dans ce cas de figure, un déclin vertigineux du PNB (selon eux, constitué en grande partie des bénéfices d’industries polluantes) pouvait se révéler politiquement utile. […]

Autrement dit, le chaos financier ne devait pas être supporté, mais délibérément organisé. »

Ernest Callenbach, Écotopia, publié en 1975, réédité fin 2018 aux Éditions Rue de l’Échiquier, 298 p.

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À propos de l'auteur
Journaliste, auteure et traductrice dans les champs social et écologique, j’ai quitté Paris en 2017 pour effectuer mon retour à la terre en Charente limousine, où j’ai grandi.
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