Lors de la Marche parisienne pour le climat, une bataille intense et symbolique a eu lieu entre les manifestants et les automobilistes pour récupérer la rue. Reportage.
À vélo, rue Rambuteau (Paris 1er), je me faufile entre les voitures, au milieu d’autres individus qui tous convergent d’un pas décidé vers un même but, l’utopie d’un bon sens collectif. Ce samedi 8 septembre, à Paris, nous avons tous rendez-vous avec la mobilisation internationale pour le climat, Rise for Climate, qui pour nous Français fait suite à la démission de Nicolas Hulot.
Arrivés rue de Rivoli, la circulation n’est pas interrompue mais devient de plus en plus difficile et chaotique… Nous prenons pour une fois, mais certainement pas la dernière… un malin plaisir à inverser les paradigmes.
Certains automobilistes excédés se mettent à jurer, un homme sur son scooter nous insulte : « Bobos de mes couilles ! ». Mais la plupart des conducteurs, stoïques ou sympathisants, semblent dans leurs petits souliers et cessent de jouer à l’as du volant. Une rangée de CRS vient à leur secours et nous demande de reculer. Aux nombreux manifestants qui s’indignent, un CRS rétorque, indifférent : « Vous n’avez qu’à écrire au ministère ».
Une jeune femme vêtue d’un gilet jaune nous demande aussi de reculer : — « Laissez passer les voitures. » Je lui réponds : — « Mais justement nous ne voulons plus les laisser passer. » — « Alors, laissez passer les dernières voitures ! » Les dernières voitures… vraiment ? Je me mets à rêver… La fin d’un monde plutôt que la fin du monde pourrait-elle advenir ?
Ce qui me frappe lors de cette manifestation, c’est le nombre d’enfants. Il y a des nourrissons dans les bras de leurs parents, une fillette avec une pancarte longuement crayonnée qui réclame juste « une terre habitable pour grandir »… Est-ce acceptable d’en arriver là sans rien faire de concret ? Je croise le regard de Roxanne, Juliette, Édith, Abel et tant d’autres… Je les félicite d’être là, car c’est eux qui devront remédier à l’inertie étatique criminelle.
Il y a aussi des manifestants handicapés comme ce couple en fauteuil roulant, ou cet homme aveugle qui tient une pancarte avec la photographie d’un chef Sioux pour dénoncer la construction actuelle d’un pipeline aux États-Unis dans la réserve indienne de Standing Rock, symbole de la destruction d’une vie en symbiose avec la nature.
Comme le dit l’anthropologue Betty Mindlin, « le temps indigène étonne parce qu’il n’est pas employé à produire, mais à vivre ».À un moment, la circulation des automobiles rue de Rivoli devient absolument impossible, les manifestants ont pris le dessus.
Vous aimez nos articles en accès libre et sans pub ? Participez au journal minimal :