Il y a près de 40 ans, le président démocrate dénonçait la crise de la démocratie américaine et appelait au rejet de la société de consommation.
Lors de sa tournée d’adieux sur le vieux continent, Barack Obama a prié l’Europe de ne pas succomber « à un capitalisme sans âme ». Un positionnement inhabituel pour un président américain, mais qui n’est pas du tout nouveau ! Nous avons retrouvé le grand discours télévisé prononcé il y a près de quarante ans par Jimmy Carter, (démocrate lui aussi), et dans lequel il dénonçait les ravages du capitalisme. En voici un extrait vidéo de 2:35, ainsi qu’une traduction en français (un peu plus longue que l’extrait).
« Ce soir, je souhaite vous parler d’une menace fondamentale qui pèse sur la démocratie de notre pays… Je ne fais pas référence à l’influence exercée par l’Amérique, une nation actuellement en paix avec le reste du monde, et dont la puissance économique et militaire est inégalée…
Cette menace est à peine perceptible par des canaux ordinaires. Il s’agit d’une crise de confiance. Il s’agit d’une crise qui frappe la volonté de notre nation en son sein même, en son âme et en son esprit. Nous percevons cette crise en raison du doute croissant au sujet de la signification de nos vies et de la perte d’un objectif national commun.
L’érosion de notre confiance en l’avenir menace de détruire le tissu social et politique de la société américaine.
La confiance que nous avons toujours eue en notre peuple n’est pas simplement un rêve romantique ou un proverbe dans un livre poussiéreux que nous ouvrons uniquement le 4 juillet [jour de l’indépendance américaine, NDLR].
C’est l’idée fondatrice de notre nation, celle qui a guidé notre développement en tant que peuple. C’est la confiance en l’avenir qui a conduit à la création de nos institutions publiques et de nos entreprises privées, de nos propres familles, et de la Constitution même des États-Unis. Cette confiance a guidé notre route, a fait le lien entre les générations. Nous avons toujours cru au progrès. Nous avons toujours cru que les vies de nos enfants seraient meilleures que les nôtres.
Notre peuple perd cette confiance à l’égard du gouvernement, il perd aussi sa confiance en lui, pour ce qui concerne sa propre capacité à rester maître de notre démocratie. En tant que peuple, nous connaissons notre histoire et nous en sommes fiers. Nos conquêtes ont fait partie de l’histoire vivante de l’Amérique, et même du monde. Nous avons toujours cru que nous faisions partie d’un grand mouvement humain lui-même appelé la démocratie, impliqué dans la recherche de la liberté, et cette croyance a toujours renforcé notre espérance. Mais au moment où nous perdons notre confiance en l’avenir, nous commençons également à fermer la porte à notre histoire.
Dans un pays qui était fier de sa capacité de travail, de ses familles unies, de ses communautés soudées et de sa foi en Dieu, trop d’entre nous ont tendance à cultiver le laisser-aller et la consommation. L’identité humaine n’est plus définie par ce que l’on fait, mais par ce que l’on possède. Cependant nous avons découvert que posséder des choses et consommer ne satisfait pas notre désir de sens. Nous avons appris que l’accumulation de biens matériels ne peut combler le vide d’existences sans confiance ni but.
Les symptômes de cette crise de l’esprit américain sont palpables. Pour la première fois dans l’histoire de notre pays, le peuple américain entrevoit que les cinq prochaines années seront pires que les cinq années qui viennent de s’écouler. Les deux tiers de notre peuple ne votent même pas. La productivité des travailleurs américains est effectivement en baisse, et la volonté des Américains d’épargner pour préparer l’avenir a chuté sous celle de tous les autres citoyens du monde occidental.
Comme vous le savez, nous sommes face à un manque de respect croissant envers le gouvernement, les églises, les écoles, les médias et d’autres institutions. Ce n’est pas un message de bonheur ou de réconfort, mais c’est la vérité et c’est un avertissement. »
Ce discours de Jimmy Carter lui coûta sans doute sa réélection, il ne fit qu’un mandat (1977-1981) et le peuple américain lui préféra l’ultraconservateur Ronald Reagan, acteur de série « B » qui s’empressa, en arrivant, d’arracher la trentaine de panneaux solaires que son prédécesseur avait fait installer sur le toit de la Maison-Blanche.
2 réponses
C’est un joli discours, mais trop intello pour toucher les Américains moyens ! C’est surtout la prise d’otage en Iran de 79 et l’inflation galopante qui lui ont coûté son poste. Cela dit, être en avance sur son temps et donner des leçons ne l’ont pas aidé à être populaire.
Bonjour Daniel, merci pour ces précisions, il est vrai que ce qu’il s’est passé par la suite a beaucoup joué également. Mais dans ce discours je trouve que Carter n’est pas tant que cela donneur de leçons, il s’inquiète vraiment, et à bon droit, et surtout il parle franchement, ce qui est très très rare pour un politicien.
P.S. Vos photos sont très belles.