Depuis les attentats, l’artiste et activiste Alexandra Boucherifi, alias ABK, offre aux passants des petits papiers qui donnent le sourire.
Depuis un an, la Parisienne Alexandra Boucherifi distribue dans la rue des petits dessins aux messages optimistes, afin de créer ce qu’elle appelle des happy art moments (« joyeux moments d’art »). Elle raconte pour le journal minimal l’origine de ce projet artistique et social qui se déroule souvent place de la République, non loin de la statue de Marianne devenue mausolée, et qui s’est naturellement poursuivi avec l’installation du mouvement Nuit debout.
Les origines
D’aussi loin que je me souvienne, il y a toujours eu des attentats à Paris. Par cycles. Enfant, j’avais été marquée par les informations à la radio sur les explosions dans les grands magasins, puis la vie avait repris son cours, on avait presque oublié.
Une décennie plus tard, étudiante à la Sorbonne, j’échappai de peu à l’attentat dans le RER B à Saint-Michel, puis la vie avait repris son cours.
Au moment précis de la tuerie de Charlie, j’étais en train d’esquisser un portrait de Yayoi Kusama (l’artiste japonaise aux pois) sur une toile, la télé en fond sonore. La peinture me glissa de la main. Pendant deux semaines, je ne touchai à rien, puis je repris mes esprits et mes couleurs.
Dessins
La toile avec le portrait de Yayoi Kusama devint petit à petit une allégorie naïve où deux bisounours envoient des cœurs avec une kalache ; ils sont accompagnés par une licorne au bord des larmes, dont la crinière est arc-en-ciel et dont la corne a la forme d’un crayon.
Le choc passé, on s’est réunis, on a discuté, entre amis, entre inconnus. On cherchait comment changer les choses, quoi faire pour embellir nos vies. Les idées positives et constructives ont fusé. Certaines ont vu le jour, d’autres non. J’ai commencé à faire des petits dessins aux messages positifs et chaleureux. Des dessins simples aux messages directs. Un cœur, un regard, une fleur, une bougie, des lèvres. Avec des messages du type « De l’espoir dans le regard » ou encore « Souriez à la vie, la vie vous sourit »…
« Un petit dessin, m’sieurs-dames ? »
J’ai dessiné comme cela des dizaines de sourires, de cœurs ensoleillés, de regards… Et je suis sortie. C’était il y a plus d’un an environ. J’avais un peu d’appréhension : comment aborder les gens, de quelle façon allaient-ils réagir ?
Finalement, je me suis lancée : « Un petit dessin m’sieurs-dames ? » La plupart des passants reculaient comme si je voulais leur demander de l’argent ou leur donner de la publicité. Et puis, ils regardaient, attrapaient le dessin et partaient en souriant ou s’arrêtaient pour me poser des questions.
Je me suis rendu compte que ce petite geste anodin leur faisait plaisir. J’espérais que ça leur change un peu les idées, et au mieux, que ça les inspire pour propager un geste positif autour d’eux également.
Alors, j’ai recommencé.
Je réalisais ces petits croquis rapides sur des papiers pas plus grands que des post-it en noir et blanc ou en couleurs, et je sortais de chez moi les poches pleines.
In fine…
J’ai toujours pensé que l’humain réagissait en fonction de ce qu’on lui mettait entre les mains et j’ai voulu vérifier cette théorie.
Plus que ça, j’ai voulu, ne serait-ce que quelques secondes, embellir la journée de quelqu’un. Je me suis dit aussi que ces petits dessins pousseraient certaines personnes à réfléchir, dans un sens constructif, je l’espère.
Alors, il est possible que vous me croisiez dans les rues de Paris un de ces quatre avec des petits dessins à la main, que je sois seule ou accompagnée, car vous pouvez aussi vous joindre à moi.
Pour distribuer des petits papiers avec Alexandra, écrivez-lui à cette adresse : abkmontmartre@gmail.com