Des facteurs racontent au journal minimal leurs plans galères, leurs rencontres marquantes. Histoires vraies de tous les jours, recueillies par Élodie Müntz.
Les facteurs exercent un métier où, ce n’est pas une légende, ils peuvent se faire mordre par un chien méchant. Mais il leur arrive aussi bien d’autres mésaventures, ainsi que, parfois, une jolie surprise au coin de la tournée.
LES RISQUES DU MÉTIER
Je venais de livrer un recommandé à une cliente au 17e étage d’un immeuble. J’ai repris l’ascenseur et j’ai appuyé sur zéro mais au 4e étage il y a eu une secousse et l’ascenseur s’est bloqué. Il n’y avait plus d’étage affiché. Plus rien pendant cinq secondes. Angoisse totale, surtout que j’ai peur du vide. Puis d’un coup, l’ascenseur s’est remis à descendre mais il s’est pas arrêté au zéro ! J’ai vu les numéros défiler : moins un, moins deux… Puis il est remonté d’un coup jusqu’au 18e et il s’est rebloqué. Je me suis dit que j’allais mourir, que l’ascenseur allait retomber, définitivement. Soudain les portes se sont ouvertes, je suis sortie en courant. Une dame était sur le palier, elle m’a regardé d’un air effaré. »
– Sofia, 32 ans.
Durant une de mes tournées, je devais distribuer le courrier dans une impasse. Il y avait une voiture garée au bout de la rue, dont une des portes était ouverte. Quand je suis arrivée dans le fond de l’impasse un chien a bondi hors de la voiture et m’a mordu le mollet, si fort que ses dents ont transpercé mon jean. J’ai eu horriblement mal. Les propriétaires n’ont rien vu, ils étaient dans leur maison. Dans la panique, je suis partie. Je n’étais pas bien. Je n’avais qu’une seule envie : pleurer. J’ai immédiatement appelé ma cheffe et elle m’a indiqué la démarche à suivre. Je lui ai envoyé une photo de la morsure et comme elle était profonde j’ai dû faire des examens pour vérifier que je n’avais pas attrapé la rage. Avec ma cheffe, on a envoyé une lettre aux propriétaires du chien dans les semaines qui ont suivi mais ils ont nié ce qui s’était passé. Aujourd’hui j’en rigole mais j’ai eu très mal et un gros bleu pendant des semaines. »
– Perrine, 22 ans.
Un jour, sur ma tournée, j’ai été attaquée par une pie qui m’a sautée dessus. J’ai parlé de cette histoire avec une collègue qui m’a dit que sur sa tournée à elle, il y avait aussi une pie domestiquée, mais celle-ci lui parlait et lui disait « salut » à chaque fois qu’elle venait. »
Céline, 38 ans.
Je venais de débuter en tant que factrice. Je pédalais tranquillement dans une rue pavillonnaire en pente et naturellement j’ai pris de la vitesse. Dans le tournant, en bas, j’ai vu un joggeur arriver dans ma direction. J’avais deux solutions : le tamponner avec mon vélo ou essayer de l’éviter. Du coup j’ai freiné et tourné mon guidon. Malheureusement, il y avait une bouche d’égout mouillée, j’ai glissé dessus et je suis tombée. En me relevant, j’ai senti ma lèvre se gonfler, j’avais le genou écorché. J’ai eu mal pendant plusieurs jours. »
– Sofia.
LES ÉTRENNES
Je frappe à la porte d’un des clients de ma tournée habituelle. Il m’ouvre. Il a l’air content, il me dit qu’il se rappelle que je devais passer aujourd’hui. Il prend mon tas d’une dizaine de calendriers, les regarde, en trouve plusieurs à son goût. Au bout de quelques instants il me dit qu’il n’arrive pas à choisir et qu’il en prend cinq! J’étais toute contente car ça allait me faire un peu d’argent. Puis il me souhaite une bonne soirée et me claque la porte au nez. Sidérée, ne sachant quoi faire, je suis repartie. »
– Sofia.
Un jour, un client qui me prenait un calendrier me dit qu’il n’a malheureusement pas la monnaie et qu’il me le réglera le lendemain. Il n’a plus jamais rouvert sa porte et je ne l’ai jamais revu. »
– Stéphane, 38 ans.
DRÔLES DE RENCONTRES
Je suis passée devant chez une cliente sans m’arrêter mais elle m’attendait de pied ferme et m’a demandé de venir car elle voulait me parler. Elle ne recevait pas de courrier depuis quelques temps et était persuadée que c’était de ma faute, que je le lui cachais. Elle m’a dit qu’elle avait déjà contacté mes responsables pour se plaindre de moi mais qu’elle voulait une confrontation en personne. Je lui ai expliqué que je ne gardais pas son courrier et que je n’avais aucun intérêt à le faire mais elle ne m’a pas cru. Quelques jours plus tard, elle a enfin reçu une lettre, personne ne lui avait envoyé de courrier depuis des semaines, voilà tout. »
– Perrine.
Je devais livrer un recommandé chez un client. Quand je suis arrivée, il m’a ouvert en caleçon, il a vu que j’étais interloquée mais il a pris le recommandé en regardant avec un grand sourire et a fermé la porte. En repartant je me suis dit que ce n’était pas très grave, qu’il ne s’attendait pas à mon arrivée et qu’il n’avait pas eu le temps de s’habiller. Sauf qu’il a recommencé, à trois ou quatre reprises ! C’était toujours le même scénario. J’en ai donc parlé avec mes collègues. L’avantage des recommandés, c’est qu’on peut voir qui les envoie. Nous avons donc constaté qu’il se les envoyait à lui même, pour pouvoir faire son petit manège. Du coup j’ai décidé de ne plus y aller et de faire valoir mon droit de retrait. Les recommandés de ce client exhibitionniste sont passés en avisé, c’est à dire qu’on les met dans la boîte aux lettres sans avoir à sonner. »
– Céline.
J’avais un recommandé pour un certain Gérard Jugnot. À l’adresse indiquée il y avait une imposante porte blindée en bois, des grosses lumières se sont allumées, dont une qui m’a complètement ébloui. J’ai sonné, on a ouvert. C’était l’acteur. Je n’ai pas pu m’empêcher de lui dire : ‘Ah mais je vous connais vous ! Les Choristes, c’est ça ?’. Très gentiment, il m’a répondu : ‘Oui, c’est bien moi’. Même si je n’avais aucun doute, j’ai quand même dû lui demander une pièce d’identité car c’est obligatoire pour un recommandé. Nous avons un peu parlé de ses films et il a répondu à mes questions. C’était très agréable. »
– Frédéric, 32 ans.