Les Danois sont-ils vraiment le peuple plus heureux ? Rencontre, à Copenhague, avec le fondateur de l’Institut de recherche sur le bonheur, qui analyse la face obscure de ce sentiment.
Je suis allée rencontrer Meik Wiking, directeur de l’institut de recherche sur le bonheur de Copenhague. Auteur de cinq ouvrages sur la question, dont Le livre du hygge (bonheur) et Le livre du lykke (bonheur/chance), il relativise les enquêtes sur le fameux bien-être danois.
Les Danois sont-il vraiment les plus heureux ?
Non nous ne le sommes pas. Les Danois sont considérés comme les plus heureux parce qu’ils ont la moyenne la plus élevée dans les enquêtes internationales sur le bonheur. Peut-être sommes-nous simplement les moins malheureux ? Quels seront les classements si l’on ajoute aussi l’égalité, la redistribution ? Le dernier rapport en date considère l’inégalité des revenus dans les pays les plus heureux. C’est une nouvelle perspective.
Vous parlez souvent de côté obscur du bonheur…
Nous sommes malheureusement tous enclins à nous comparer aux autres, en particulier au sujet des revenus, des possessions. Les réseaux sociaux ont un côté obscur car ils exposent le bonheur des autres. Il semble qu’il soit plus éprouvant d’être malheureux au sein d’une société heureuse. Cela créé un contraste plus fort. J’ai tendance à penser que cela explique pourquoi le taux de suicide reste élevé dans les pays considérés comme les plus heureux.
Que pensez-vous des enquêtes qui mettent le Danemark sur le podium du bonheur ?
Ces classements sont basés sur des moyennes. Les pays en bas de la liste sont en guerre, instables et pauvres. Je ne suis pas d’accord avec ceux qui voient les endroits les plus heureux comme des utopies : il y a aussi beaucoup de problèmes, des défis. Je ne pense pas que le Danemark soit une utopie, mais je crois que les États-providence des pays nordiques sont bons pour réduire le malheur extrême et la misère. La moyenne est meilleure, mais ça ne signifie pas qu’il n’y a pas de gens malheureux. Tout est relatif.
Pourquoi avez-vous créé l’institut de recherche sur le bonheur ?
Je travaillais dans un autre groupe d’experts quand, en 2012, j’ai réalisé tout ce qui se passait autour du bonheur : il y a eu une résolution à l’ONU, plusieurs gouvernements ont commencé à considérer ces questions dans leurs mesures, l’OCDE s’intéressait au bien-être… J’étais curieux de connaître les raisons du bon niveau du Danemark, et personne ne semblait se pencher dessus ici.
Quel est le rôle de l’institut ?
C’est une société privée qui regroupe des professeurs de quatre universités. Nous avons commencé à travailler avec des ministères, des fondations, des fonds de pension…
Comment étudiez-vous le bonheur ?
Nos projets sont guidés par trois questions : comment mesurer le bonheur ? Pourquoi certaines personnes sont plus heureuses que d’autres ? Comment améliorer la qualité de vie ? Nous abordons le bonheur de la même façon que la santé : on naît en plus ou moins bonne disposition, il y a un facteur biologique, l’influence de l’environnement, des politiques publiques. Nos propres choix et notre comportement ont aussi leur rôle. Nous pouvons garder ces mêmes critères lorsqu’il s’agit de bonheur. Mais il y a encore des points d’interrogation, notamment sur le facteur génétique. Ce qui est génial avec le bonheur, c’est qu’il peut être approché sous les angles philosophiques, économiques, anthropologiques, sociologiques, en sciences politiques ou en histoire.
• Retrouvez le dernier épisode de Ils sont cools ces Danois vendredi 22 décembre.
• Lire les quatre précédents épisodes ici.
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