Murray Schafer, l’homme qui écoutait les paysages et qui inventa « l’écologie sonore »

PORTRAIT. Qui était R. Murray Schafer, l’inventeur du concept d’écologie sonore ? Le journal minimal vous emmène à la découverte de ce musicien canadien qui fut le premier à écouter le paysage.

Murray Schafer dans le film Listen
Murray Schafer en 2009. Image tirée du court-métrage « Listen » de David New.

Identité
Raymond Murray Schafer
Né à Sarnia (Ontario, Canada) en 1933, mort en 2021.
Profession : compositeur de musique contemporaine.
Signe particulier : attiré par les arts plastiques il s’est finalement orienté vers la musique car il ne voyait que d’un œil.

Principal fait d’arme
Inquiet de voir les sons naturels étouffés par le vacarme de nos sociétés modernes, Murray Schafer a inventé à la fin des années 60 le concept de paysage sonore et d’écologie sonore. Le but est de prendre en considération l’environnement acoustique et d’en faire un objet d’étude pour sensibiliser la population.

Démarche
Murray Schafer élabore des outils d’analyse afin d’appréhender les paysages sonores. Enseignant-chercheur, il parcourt le monde avec ses micros, enregistre, écrit sur le sujet. Il étudie également les sons du passé à travers la littérature. Homère, Virgile, Hugo, Dickens lui donnent de nombreuses indications sur l’évolution des paysages sonores au fil des siècles, avec le choc énorme que représente l’ère industrielle.

DESIGN SONORE

Surtout, il pose la question de la relation de l’homme à son environnement acoustique et de ce qui arrive lorsque ce dernier se modifie. Il estime que la pollution sonore débute lorsque l’homme, gêné par un surplus de bruit, par exemple le bruit de fond de la circulation, apprend à ignorer ce bruit mais du coup n’écoute plus son environnement. Il oppose ainsi les environnement HiFi dans lesquels on entend clairement les sons se détacher, des environnements LoFi dans lesquels une pollution sonore brouille le message des sons isolés.

Tout comme le Bauhaus a créé le design industriel qui a rapproché les Beaux-Arts de l’industrie, Murray Schafer est à l’origine d’une exploration nouvelle appelée « design sonore », qu’il conçoit comme une recherche interdisciplinaire dans laquelle vont se retrouver aussi bien les musiciens que les acousticiens, les psychologues, les  sociologues… en vue d’améliorer ensemble le paysage sonore.

Extrait de son livre Le Paysage sonore – le monde comme musique, paru en 1977
« Les années 60 furent une décennie bruyante, peut-être la plus bruyante du 20siècle. Les voyages en avion venaient de voir le jour et épandaient leur vacarme près des aéroports, suscitant d’agressives campagnes antibruit. En outre, le Concorde allait bientôt faire entendre ses bangs supersoniques tout au long de son parcours. Detroit se concentrait sur la construction de ‘voitures musclées’, en essayant de vendre des moteurs plus bruyants comme étant plus puissants. Dans le bâtiment, les chantiers sévissaient à grand bruit, avec l’extension des villes en Amérique du Nord et la reconstruction en Europe. Les années 60 furent aussi celles des concerts de musique rock, où le niveau sonore dépassait largement les 100 décibels – plus fort qu’aucune musique ne fut jamais jouée sur terre.

Au milieu de cette révolution sonore, j’ai senti qu’il me fallait sensibiliser mes étudiants à ses dangers, mais je devais aussi leur faire prendre conscience que cette révolution n’était ni statique ni définitive, qu’elle évoluait de jour en jour, d’heure en heure. J’instaurai un cours pour mes étudiants de première année que j’intitulai ‘la clairaudience’. Nous organisions des marches sonores et dressions des listes de tous les sons que nous entendions, en cherchant ensuite à comparer le présent au passé. »

Bio express
1969 : Titulaire d’un poste à l’Université Simon Fraser, il fonde le Projet Mondial de Paysage Sonore (World Soundscape Project), organisme voué à l’étude critique des aspects sociaux et esthétiques de l’environnement sonore.

1975 : Il quitte Vancouver pour aller vivre dans une ferme et se rapprocher de la nature.

2009 : Il reçoit le prix du Gouverneur général du Canada, qui distingue chaque année une personnalité artistique pour son parcours. Le court-métrage Listen est produit à cette occasion par l’Office national du film du Canada (durée : 6mn 23s, en anglais) :

Réseau
Influences : dans sa bibliothèque on trouve Jean-Jacques Rousseau, Tchekov, Tolstoï, Carl Jung, Nietschze… Pour ses recherches il s’est inspiré de son presque homonyme Pierre Schaeffer (1910-1995), l’inventeur de la musique concrète, tout premier musicien à enregistrer les sons de son environnement.

Disciples : les musiciens qui s’intéressent à l’écologie sonore, les designers sonores, les acousticiens…

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