Feuilleter Paroles, le recueil de Jacques Prévert paru en 1946, tomber sur le poème « L’orgue de Barbarie », y trouver une intense résonance avec un certain 13 novembre 2015.
L’ORGUE DE BARBARIE
Moi je joue du piano
disait l’un
moi je joue du violon
disait l’autre
moi de la harpe moi du banjo
moi du violoncelle
moi du biniou… moi de la flûte
et moi de la crécelle.
Et les uns et les autres parlaient parlaient
parlaient de ce qu’ils jouaient.
On n’entendait pas la musique
tout le monde parlait
parlait parlait
personne ne jouait
mais dans un coin un homme se taisait :
« Et de quel instrument jouez-vous Monsieur
qui vous taisez et qui ne dites rien ? »
lui demandèrent les musiciens.
« Moi je joue de l’orgue de Barbarie
et je joue du couteau aussi »
dit l’homme qui jusqu’ici
n’avait absolument rien dit
et puis il s’avança le couteau à la main
et il tua tous les musiciens
et il joua de l’orgue de Barbarie
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L’extrait de ce poème est issu de Paroles, recueil de Jacques Prévert paru pour la première fois en 1946 et qui connut tout de suite un grand succès populaire.