L’oiseau

Dès le 19e siècle, l’historien Jules Michelet s’inquiétait du sort des oiseaux et de l’action destructrice de l’homme sur la Nature.

Jules Michelet, l'oiseau.
L’Oiseau, de Jules Michelet (Hachette-BnF, selon l’édition de 1893). Illustration: Sacha Sanchez.

Le genre
Récit naturaliste.

Le pitch
Dans cet essai méconnu, l’historien Jules Michelet passe en revue les différentes espèces d’oiseaux. Il raconte l’évolution et la vie de ces « êtres libres », des poissons volants jusqu’aux rossignols. Un inventaire où l’on croise des manchots, des goélands, des rapaces, des alouettes, des hirondelles…

L’auteur
Jules Michelet (1798-1874) est un historien français, célèbre pour son Histoire de France et son Histoire de la Révolution. Républicain et anticlérical, il est considéré comme étant l’un des grands historiens du 19e siècle. « Héros » pour Victor Hugo, « charlatan » pour Sainte-Beuve, il reste très controversé pour sa vision subjective et passionnelle de l’Histoire.

L’Oiseau est écrit dans des conditions spéciales : destitué de ses fonctions officielles pour avoir refusé de prêter serment à l’Empire de Napoléon III, Michelet s’établit en 1852 dans une maison de campagne parfaitement isolée, tout près de Nantes et non loin de la mer. L’historien, « arraché de la ville » (il n’avait jamais quitté Paris) en profite pour observer la Nature et écrire sur elle, tout en continuant sa grande œuvre historique. L’oiseau et ses autres ouvrages naturalistes, La mer, La montagne et L’insecte, seront publiés entre 1856 et 1868.

Mon humble avis
L’écriture de Michelet est tout sauf minimaliste. Son lyrisme échevelé et mystique frise parfois le ridicule, tout comme certains jugements de valeur d’une autre époque peuvent agacer ou choquer, mais ceci mis à part, Michelet est aussi passionnant en histoire naturelle qu’en histoire de France.

Michelet fait de tout ce qu’il conte une véritable épopée. Il vibre avec chaque oiseau qu’il décrit, se met dans sa peau, réclame qu’il soit reconnu comme un être. En cela il pourrait même faire partie des précurseurs des droits des animaux. A l’heure des extinctions de masse, où les oiseaux, entre autres, disparaissent à une vitesse effroyable, il est intéressant de constater que Michelet déplorait déjà à son époque la destruction de la Nature par l’homme.

Oiseaux, planche dessinée.
Oiseaux. Planche du Larousse Universel en deux volumes, 1922. Photo: Omega.

Une phrase du livre
« L’homme n’eût pas vécu sans l’oiseau, qui seul a pu le sauver de l’insecte et du reptile ; mais l’oiseau eut vécu sans l’homme. »

Un extrait du livre
« C’est alors, entre autres choses, que je commençai à entendre les oiseaux qui chantent peu, mais parlent, comme les hirondelles, jasant du beau temps, de la chasse, de nourriture rare ou commune, ou de leur prochain départ, enfin, de toutes leurs affaires. Je les avais écoutées à Nantes en octobre, à Turin en juin. Leurs causeries de septembre étaient plus claires à la Hève. Nous les traduisions couramment, dans leur douce vivacité, dans cette joie de jeunesse et de bonne humeur, sans éclat et sans saillie, conforme à l’heureux équilibre d’un oiseau, si libre et si sage, qui semble, non sans gratitude, reconnaître qu’il reçut de Dieu une part si notable au bonheur.

Hélas, l’hirondelle elle-même n’est pourtant guère exceptée de cette guerre insensée que nous faisons à la Nature. Nous détruisons jusqu’aux oiseaux qui défendaient les moissons, nos gardiens, nos bons ouvriers, qui, suivant de près la charrue, saisissent le futur destructeur que l’insouciant paysan remue, mais remet dans la terre.

Des races entières périssent, importantes, intéressantes. Les premiers de l’Océan, les êtres doux et sensibles à qui la nature donna le sang et le lait (je parle des cétacés), à quel nombre sont-ils réduits ? Beaucoup de grands quadrupèdes ont disparu de ce globe. Beaucoup d’animaux de tout genre, sans disparaître entièrement, ont reculé devant l’homme ; ils fuient ensauvagés, perdent leurs arts naturels et retombent à l’état barbare. Le héron, noté par Aristote pour son adresse et sa prudence, est maintenant (du moins en Europe) un animal misanthrope, borné, de peu de sens. Le castor, qui, en Amérique, dans sa paisible solitude, était devenu architecte, ingénieur, s’est découragé ; il fait à peine aujourd’hui des trous dans la terre. Le lièvre, si bon, si beau, original par sa fourrure, sa célérité, la finesse extraordinaire de l’ouïe, aura bientôt disparu. […] La classe ailée, la plus haute, la plus tendre, la plus sympathique à l’homme, est celle que l’homme aujourd’hui poursuit le plus cruellement. Que faut-il pour le protéger ? révéler l’oiseau comme âme, montrer qu’il est une personne. »

N.B.
Ce livre est difficile à trouver, on peut néanmoins le faire imprimer à la demande grâce au partenariat de Hachette avec la Bibliothèque nationale de France.

Jules Michelet, L’oiseau, La Mer, Hachette-BnF (selon l’édition de 1893), 580p.


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À propos de l'auteur
Pianiste et compositrice, directrice de la publication du journal.
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