Des chercheurs découvrent que les cultures sans pesticides résistent mieux aux ravageurs

En compilant des centaines d’études, des chercheurs de l’INRA ont découvert que l’agriculture biologique est plus efficace que l’agriculture aux pesticides pour limiter l’impact des ravageurs.

Agriculture biologique efficace contre ravageurs
Champ de blés en agriculture biologique à Fromenteau (Côte d’Or). Photo: Luc Legay, juin 2014.

Contrairement aux idées reçues, le système d’agriculture biologique serait plus intéressant que le système dit « conventionnel » (qui utilise des pesticides) pour limiter les ravageurs des cultures. C’est ce qu’a constaté une équipe de l’INRA (Institut national de la recherche agronomique) après avoir compilé des centaines d’études. Cette découverte, qui va à l’encontre du discours de l’industrie pétrochimique depuis des décennies, a été publiée en juillet 2018 dans la revue Nature Sustainability (1).

Les travaux des chercheurs l’INRA s’appuient sur 688 comparaisons entre les résultats d’agricultures biologique et conventionnelle. Cette méta-analyse d’un très grand nombre d’études scientifiques a permis de mettre au jour les conséquences bénéfiques du processus appelé « intensification écologique ».

LAISSER POUSSER LE TRÈFLE

L’intensification écologique vise à concevoir une agronomie plus naturelle, qui permet un rendement élevé en limitant les engrais grâce à l’exploitation des fonctionnalités écologiques. De quoi s’agit-il exactement ? Dans un écosystème, tout agricole qu’il soit, chacune des espèces joue un rôle particulier, et plutôt que de supprimer toutes les espèces hormis celle que l’on veut faire pousser, il est parfois plus utile d’en conserver plusieurs, qui aideront la croissance de la « plante d’intérêt ».

Par exemple, le fait de laisser des débris végétaux sur le sol permet aux vers de terre de se nourrir, et donc de proliférer et de favoriser la croissance des plantes. Ou encore, le trèfle, comme d’autres plantes de sa famille, est capable d’enrichir le sol en azote, nutriment indispensable à la croissance d’autres plantes de l’alimentation humaine : il vaut donc mieux laisser pousser le trèfle avant de semer le blé que de tuer toute vie sur le terrain puis d’y déverser de l’engrais azoté de synthèse… En plus d’être un procédé naturel et logique, l’intensification écologique est économique en ressources.

UNE MEILLEURE RÉSISTANCE

Les chercheurs ont parcouru les résultats des analyses tant au niveau du taux de prédation ou de parasitisme qu’au niveau de la sévérité et de la fréquence des maladies. Ils ont regardé aussi la densité de ravageurs (rongeurs, oiseaux, insectes…) et de « mauvaises herbes », afin de dégager les tendances de chacun des modes de culture sur ces paramètres.

Les résultats montrent tout d’abord que l’agriculture biologique favorise le contrôle biologique général : dans les cultures où les engrais pétrochimiques sont limités, les taux de prédation et de parasitisme sont inférieurs, et la capacité du sol à supprimer les pathogènes est supérieure à ce que l’on trouve dans l’agriculture conventionnelle. Les résultats montrent aussi que les capacités des systèmes agricoles biologiques égalent voire dépassent celles de l’agriculture conventionnelle en ce qui concerne la limitation des infestations de ravageurs. En outre, la fréquence et la sévérité des maladies sont moindres chez les végétaux dans l’agriculture biologique.

VIVENT LES « MAUVAISES HERBES » !

Toutefois, au niveau de l’élimination des végétaux adventices appelés injustement « mauvaises herbes », l’agriculture conventionnelle obtient des résultats bien plus efficaces. Et c’est normal : le fait de ne pas épandre d’herbicides laisse le champ libre à toutes les plantes pour s’installer.

En résumé, la seule différence en matière de bio-agresseurs que « subit » l’agriculture biologique, c’est une plus grande présence de plantes adventices ; or selon l’équipe de l’INRA leur présence même semble finalement être bénéfique ! Car en s’installant, ces plantes modifient la composition du sol, l’enrichissent de leur matière organique et de leurs éventuels champignons associés, et permettent sans doute de favoriser la résistance aux pathogènes du milieu. Les chercheurs concluent donc que l’agriculture biologique, grâce à l’intensification écologique, peut potentiellement remplacer l’utilisation des intrants de synthèse dans la gestion des pathogènes et des ravageurs animaux.

Source : Evidence that organic farming promotes pest control. Lucile Muneret, Matthew Mitchell, Verena Seufert, Stéphanie Aviron, El Aziz Djoudi, Julien Pétillon, Manuel Plantegenest, Denis Thiéry & Adrien Rusch. Nature Sustainability, 16 juillet 2018. Cliquer ici pour voir un document en pdf : SodaPDF-compressed-OrganicFarming-PestControl_Muneret2018_reduce.

Pour suivre les publications de mon journal préféré, je reçois la lettre minimale, chaque 1er jeudi du mois. Bonne nouvelle, c’est gratuit et sans engagement !

Partager cet article

À propos de l'auteur
Écologue de formation, je concilie mes deux passions, les insectes et la typographie, en écrivant en pattes de mouche.
Articles similaires
Du même auteur
Écrire un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

7 réponses

    1. Les études permettent de mettre en évidence de manière chiffrée, et surtout reproductible, ce que certains appréhendent intuitivement. Malheureusement, je doute qu’elles puissent faire comprendre l’urgence à changer les pratiques agriculturelles. Ça, c’est dans la tête de chacun que cela se joue, et les protocoles normalisés n’y ont pas de prise 😉

  1. Commençons par boycotter les emballages en plastique partout où on les rencontre. Même si le produit est bio. Trop de business et de paroles. Exemple: des vins bio dont les capsules sont en plastique, les nombreux emballages en plastique. C’est bien de conscientiser le consommateur, mais c’est en amont qu’il faut agir.

    1. Bonjour Beck,
      Vous dites que c’est en amont qu’il faut réagir, et je rejoins votre avis : c’est aux grands groupes de revoir leurs pratiques, car au final, le consommateur dépend de ce qu’on lui propose. Impossible d’acheter un produit qui n’est pas vendu… et donc souvent, obligé d’acheter un emballage qui n’est pas désiré !

  2. Cela ne m’étonne pas, la biodiversité ne peut apporter que du bon. Mais je pense que le bio aurait une réelle valeur si l’autorisation d’utiliser le cuivre en était retiré. Celui-ci à un impact catastrophique sur la vie du sol.

Rechercher