La vague bleu marron n’apparait pas dans les infographies mais avec plus des deux tiers des sièges au Palais-Bourbon, les partisans du productivisme (Renaissance, LR, RN) sont hégémoniques. Le capitalisme a encore de beaux jours devant lui.
a recomposition du paysage politique français prend un temps fou. Beaucoup de gens n’y comprennent rien et, n’y comprenant rien, ne vont pas voter. Même Emmanuel Macron, censé être « un animal politique », est paumé. Le soir du 2e tour des Législatives, en découvrant que lui et ses alliés n’obtenaient qu’une majorité relative, il aurait déclaré : « On entre dans le bizarre » (Libération du 21 juin 2022). Il n’y a pourtant rien de bizarre, étant donné qu’il n’y a pas eu de campagne digne de ce nom, à voir émerger une assemblée de type mélasse.
Depuis la nuit des temps révolutionnaires l’Assemblée nationale française est divisée en deux camps : les progressistes (souvent rouges ou roses) à gauche de l’Hémicycle et les conservateurs (souvent bleu plus ou moins foncé) à droite. En 2017, la plupart des analystes ont vu dans La République en Marche une espèce de projet politique moderne, qu’ils n’arrivaient pas à définir et qu’ils ont coloré en jaune, voire en violet, contre toute logique, puisqu’il s’agissait simplement d’un amalgame entre les sociaux-libéraux des courants Strauss-Kahn/Valls, les libéraux-sociaux proches de Juppé, les démocrates-chrétiens à la Bayrou… Le bleu clair pouvait donc parfaitement coller.
HURLER À LA MORT DEVANT LA NUPES
Oui mais voilà, entre temps Marine Le Pen avait fait une OPA sur le bleu marine dans son opération marketing de dédiabolisation. Tombés dans le panneau, de nombreux médias ont alors progressivement abandonné le brun pour représenter son camp alors que traditionnellement le marron ou le noir désignent l’extrême droite.
Ce brouillage dans l’attribution des couleurs est significatif. Tout comme Emmanuel Macron cherche à faire croire qu’il est social-démocrate pour adoucir son image, la cheffe du groupe RN cherche à faire croire qu’elle est républicaine. Et c’est ainsi que, le premier en hurlant à la mort devant la montée de la Nupes, a réussi encore une fois à rallier des électeurs apeurés, la seconde montrant patte blanche, a pu s’adjuger les suffrages de gens fâchés qui ne sont pas forcément fachos.
Dans cette assemblée bleu marron, Emmanuel Macron parviendra-t-il à trouver des majorités pour ses réformes ? Entre LREM, le Modem, Horizon, LR, le RN, il y a pas mal de désaccords mais aussi beaucoup de points d’entente : la foi dans le nucléaire, la religion de la croissance, le soutien à la natalité par pur nationalisme, le culte de la voiture, le mépris de la culture, l’attachement au patriarcat et à la chasse, le spécisme…
Comment expliquer le score encourageant mais insuffisant de la Nupes ? Peut-être par le manque de clarté d’un programme riche de 650 propositions alors que celui-ci ne devrait tenir qu’en un seul mot : la sobriété. Un projet politique réaliste et doux dans lequel presque tout un chacun(e) peut se retrouver, tant il y a de nuances : la décroissance, le jugaad, le stoïcisme, le zen ou encore le minimalisme !