Dans ce 4e épisode de La maison verte, June Caravel quitte le Val-de-Marne pour aller visiter dans l’Eure une célèbre ferme écologique.
Si vous avez vu le film Demain, sûrement vous souvenez-vous de la ferme biologique du Bec Hellouin, nichée au cœur d’une petite vallée normande. Dans le documentaire, ses fondateurs Perrine et Charles Hervé-Gruyer mettaient en avant les résultats d’une étude officielle selon laquelle avec seulement 1000 m2 de terrain en permaculture, un fermier seul peut gagner un Smic !
L’autre jour, lorsque ma voisine (cf l’épisode 3 : Mes débuts en permaculture) m’a proposé d’aller découvrir cette ferme, je n’ai pas hésité et avec deux autres amis jardiniers, nous avons organisé un covoiturage de Bonneuil-sur-Marne (Val-de-Marne) au Bec Hellouin (Eure). Victime de son succès à la suite de sa médiatisation, la ferme n’ouvre plus que le 1er vendredi du mois à partir de 13h30, pour des visites de deux heures qui coûtent 15 €.
Le village du Bec Hellouin a reçu le label des plus beaux villages de France. Petites maisons normandes typiques à colombages, paysage bucolique, abbaye majestueuse… Nous sommes en avance pour la visite mais beaucoup de voitures sont déjà garées, les gens piquent-niquent devant la ferme en attendant l’ouverture.
C’est Perrine Hervé-Gruyer, la propriétaire, qui nous accueille. Un rapide tour d’horizon pour savoir qui est jardinier amateur (environ la moitié du groupe), qui est porteur de projet (environ six personnes) et qui est déjà permaculteur (une dizaine de gens), puis elle nous explique la genèse du lieu.
À l’occasion d’une reconversion professionnelle, elle, juriste, et son mari, marin,se sont installés en 2006 sur ce terrain de 16,5 hectares qui comprend une maison, un bois, des pommiers, et des pâturages d’herbe. La terre est très caillouteuse et avec très peu d’humus, la vallée étroite et humide forme un couloir venteux, incompatible avec l’agriculture extensive. Leur ambition initiale : réussir à produire en bio et de manière autonome tout ce dont ils ont besoin pour leur consommation.
ILS DÉCOUVRENT LA PERMACULTURE
Mais rapidement, Charles commence aussi à produire pour l’extérieur : il fait du maraîchage, fabrique du pain, du cidre, des jus de fruits, des confitures. Au début, les clients affluent, attirés par les produits naturels dans une région qui n’en propose pratiquement pas. Le couple obtient facilement la certification bio car aucune agriculture extensive n’a lieu dans cette vallée qui est utilisée comme pâturages pour les vaches et les brebis. Cependant, les clients se plaignent : les tomates arrivent mi-août, le mildiou (la maladie des tomates) les attaque mi-septembre et du coup, très vite, il n’y en a plus. Pour avoir des fruits et légumes bio toute l’année et pas seulement en été/automne, Perrine et Charles envisagent la mise en place d’une serre.
C’est à cette époque qu’un ami leur parle de la permaculture pour la première fois. Cela fait tilt. Ils redessinent complètement 1 500 m2 de leur propriété, y construisent des mares, essaient de créer des micro-climats locaux dans différentes parcelles de la propriété, créent un jardin-forêt à l’image de celui des Fraternités ouvrières, dessinent un jardin mandala et construisent une serre avec des poules dedans. Un travail titanesque.
Perrine nous fait faire le tour de la propriété et nous emmène sur une petite île entourée des mares qu’ils ont creusées à la main. Des buttes rondes sont dessinées au sol avec un terreau magnifique, la paille est autour pour circuler dans les allées. Normalement la terre n’est jamais à nu en permaculture, sauf au printemps : on dépaille le terreau pour que la terre se réchauffe et que les plants prennent racine. C’est le seul moment où on aide la nature en arrosant les semis durant dix jours. Après, les besoins en eau sont assurés par le paillage qui retient l’eau.
« Il ne faut jamais pailler sur sol sec, mais seulement sur sol humide » nous dit Perrine. Elle nous montre une haie qui sert de brise-vent, nous explique aussi qu’il faut toujours avoir un mélange de matières azotées (tout ce qui est vert : déchets de cuisine, feuilles vertes) et carbonées (tout ce qui est marron : feuilles sèches, cartons, bois).
Le jardin-forêt, qui a été dessiné sur plan au départ, fonctionne sur le principe des étages : l’arbre recouvre de son ombre les arbustes, les arbrisseaux, les fourrés et les plantes. On élague régulièrement pour permettre à la lumière de passer et à ces différentes strates de pousser. À un moment, un arbre s’est mis à pousser en biais pour chercher la lumière. Du coup, Perrine et Charles ont du déplacer le chemin pour pouvoir passer. Rien n’est donc figé dans la nature, il faut pouvoir s’adapter et repenser son arrangement.
Tout le long de la visite, les participants posent des questions, par exemple : « Comment agencer le jardin forêt ? » On nous explique que le cerisier a besoin de fixateurs d’azote au sol, que la combinaison blé/arbres est idéale car le blé absorbe tout à 30 cm sous terre, mais que les arbres font remonter l’eau de plus profond car ils sont en concurrence directe avec le blé. Que les pucerons adorent les plans d’absinthe et qu’ils s’y collent avant que les coccinelles ne viennent les manger, ce qui évite qu’ils aillent contaminer les plans de la serre, que les orties sont non seulement le meilleur pourvoyeur de vitamines au printemps pour l’homme, mais aussi une manne en compost pour les plantes.
La serre est chauffée par des bacs en bois remplis de fumier et recouverts de paille, elle abrite aussi un poulailler. Et comme il fait 5°C de plus au-dessus du poulailler, Perrine et Charles s’en servent pour faire démarrer les semis qui ont besoin de beaucoup de chaleur. Les poules, quant à elles, permettent à la fois de réchauffer la serre d’un demi-degré en hiver, de manger les limaces venant du champ voisin et d’amender le sol grâce à leurs fientes. On peut aussi rentrer des équidés (ânes, chevaux) dans le box des poules pour pouvoir réchauffer la température si besoin. Ici l’homme doit quand même un peu plus aider la nature : il y a des tubes d’arrosage, un système électrique pour chauffer des plants.
Perrine nous montre les différents outils manuels avec lesquels ils travaillent la terre et nous apprend qu’on doit choisir un outil adapté à soi. Un manche trop large peut nous causer une tendinite au bras alors qu’un manche plus fin et léger et qui ne monte pas plus que sous le menton pour une pelle par exemple sera plus adapté à une femme. Nous découvrons la fameuse grelinette qui permet d’aérer la terre sans la retourner, mais aussi le semoir qui permet de semer très précisément les graines sur des bandes de terre plate de 80 cm. Et elle nous explique comment semer par exemple des carottes, des radis et des salades sur la même bande de terre. Car pour que 1000 m2 produisent de quoi gagner un Smic, il faut absolument que la culture soit ultra-intensive.
Un dernier petit tour dans la propriété pour voir le jardin mandala, mais aussi la librairie où se côtoient l’ouvrage de Perrine et Charles Hervé-Gruyer, Permaculture, guérir la Terre, nourrir les Hommes et d’autres ouvrages sur la permaculture, les jardins-forêts, le DVD de Demain. La visite s’achève à la buvette où l’on peut boire du cidre et du jus de pomme local, acheter du pain ou des confitures et discuter avec Charles Hervé-Gruyer.
Je repars avec des tonnes d’idées pour le jardin de La maison verte…
Une réponse
Merci pour cet article très intéressant. J’avais vu une courte vidéo qui présentait la ferme et je suis émerveillée par leur travail et leur ingéniosité.
J’ai un potager en Mayenne d’un quinzaine de mètres carrés où je fais pousser fraises, tomates, poivrons, aubergines, laitues, carottes, betteraves, fenouils, fèves, fenouils, choux-fleurs et choux pak choï. Le jardin abrite aussi des arbres fruitiers (pommiers, poiriers, pruniers, figuiers et un pêcher bien mal en point). Le potager était un projet depuis 2-3 ans qui a été créé au printemps et c’est un vrai bonheur d’en prendre soin et de le voir évoluer. Je n’ai pas paillé cette année (je n’ai jamais réussi à faire sécher correctement ma tonte de pelouse) mais je songe à un compostage de surface pour l’automne ou l’an prochain. L’an prochain je me lancerai également dans les pommes de terres, les poireaux, les oignons, les échalotes et des épinards.
Je rêve aujourd’hui d’une autonomie alimentaire, au moins sur quelques récoltes, mais je sais que cela nécessiterait d’augmenter la surface (et le temps) consacrée au potager.