Dans cet essai sous forme de dialogue imaginaire entre un militant de l’écologie radicale et ses beaux-parents inconscients de la catastrophe en cours, on en apprend beaucoup sur l’esprit humain.
Le genre
Essai romancé.
Le pitch
Lors d’un pique-nique en famille, la discussion s’engage sur le thème brûlant de l’écologie. Vincent, le gendre, qui se définit comme « écologiste radical », tente de faire comprendre sa vision du monde à sa belle-mère Catherine et à son beau-père Jacques. Un dialogue profond s’instaure, le jeune homme répond pédagogiquement aux questions de ses interlocuteurs pour expliquer les bases de notre système et son avenir sombre.
L’auteur
Aurélien Dupouey-Delezay est blogueur, professeur d’histoire-géographie à Mayotte et responsable d’un projet de communauté écologiste.
Mon humble avis
La présentation sous forme de dialogue chamboule le genre de l’essai et le rend agréable à lire en y apportant un rythme, tout en restant didactique.
Par ailleurs, aborder la question taboue de l’écologie radicale me semble crucial pour parvenir à démasquer les méthodes qui visent simplement à verdir ou « écoblanchir » (le fameux greenwashing) nos pratiques actuelles de (sur)consommation. Certes, et l’ouvrage ne fait pas l’impasse sur ce thème, les divers courants philosophiques ou politiques écologistes sont rarement entièrement d’accord sur les voies à emprunter pour réduire concrètement notre impact sur la planète. Mais le livre souligne leur point commun : placer non pas l’être humain au centre des préoccupations, mais le vivant dans son ensemble.
Face à l’avenir dérangeant décrit dans cet essai, les lecteurs prêts à se battre pour sauver le monde trouveront à la fin du livre une liste d’ouvrages et de sites pour s’informer davantage. Comme l’auteur le fait dire à Vincent : « Il n’y a aucune fatalité dans les injustices, les inégalités ou les atteintes à la nature : le monde n’est ainsi fait que parce que nous l’avons fait ainsi. C’est à nous de le changer s’il ne nous satisfait pas tel qu’il est ». Alors allons-y !
Une phrase du livre
« Nous, les écologistes radicaux, pensons qu’on ne s’en sortira pas sans changer les choses en profondeur : s’ils restent chacun dans leur coin, les individus ou même les associations, voire les États, ne peuvent pas grand-chose. »
Un extrait du livre
« VINCENT — […] le confort matériel peut nous enlever du bonheur ; autrement dit, un plus haut niveau de vie peut se traduire par une baisse de la qualité de vie.
JACQUES — J’aimerais bien savoir comment.
VINCENT — On peut prendre un autre exemple avec les smartphones. Par rapport au téléphone portable non connecté, ils apportent une hausse du confort matériel et donc du niveau de vie. Mais à côté de ça, ils développent des addictions à un tas de jeux sans aucun intérêt qui n’apportent aucun bonheur réel, et même qui nous privent de bonheur puisqu’ils nous coupent de ce qui nous rendrait vraiment heureux : les vraies relations sociales, l’approfondissement spirituel, la création et la contemplation des œuvres d’art, y compris d’ailleurs les bons jeux vidéo. Certaines des nouveautés qu’ils apportent présentent même de réels dangers, comme les traqueurs GPS qui sont une menace sérieuse sur l’intimité et la vie privée.
JACQUES — Je ne suis pas certain d’être très convaincu.
VINCENT — Pourtant, si tu regardes autour de toi, tu t’apercevras que toute la société fonctionne comme ça. Les machines n’ont jamais accompli autant de travail, ce qui correspond à une hausse de notre niveau de vie. Est-ce qu’on a utilisé cette hausse du confort matériel pour réduire le temps de travail et profiter de ce temps libre pour nous promener dans la nature et la contempler, ou pour généraliser la fréquentation d’œuvres d’art ou la lecture de la philosophie, bref, pour démocratiser ce qui nous rendrait vraiment heureux ? Au contraire ! Le capitalisme libéral nous pousse à travailler toujours plus, et le travail n’a jamais été autant une source de stress et de souffrance. »
Aurélien Dupouey-Delezay, L’écologie radicale expliquée à ma belle-mère, Éditions du Panthéon, 2018, 176 pages.
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