Il y a quarante ans, en 1979, les citoyens élurent pour la première fois leurs représentants au Parlement européen. La gauche française, portée à l’époque par un « Programme commun » anticapitaliste, l’emporta.
Le week-end prochain (dimanche 26 mai en métropole et samedi 25 mai dans certains Dom-Tom), les Français sont appelés à élire leurs représentants au Parlement européen (79 sièges sur 705 au total pour les 27 pays de l’Union). L’élection a lieu au suffrage universel direct, à la proportionnelle (à partir du seuil de 5 % des suffrages). Les eurodéputés seront élus pour cinq ans.
En l’absence d’union de la gauche, les résultats s’annoncent faibles pour les forces progressistes. À en croire les sondages, celles-ci seraient reléguées, au mieux, en 3e ou 4e position, derrière les libéraux de droite (LREM, LR) et d’extrême droite (RN). Ce recul probable de la gauche française dans une instance politique majeure (les grandes orientations politiques se décident aujourd’hui au niveau international) intervient qui plus est dans un contexte où les nationalistes se rassemblent en Europe derrière le chef du gouvernement italien et son projet xénophobe.
EN ROUGE ET NOIR
La situation était bien différente il y a tout juste quarante ans, en 1979, lorsque les Français furent appelés pour la première fois à élire au suffrage universel leurs représentants au Parlement européen. L’extrême droite était quasiment inexistante et la gauche, elle, gagna le scrutin : elle s’était dotée quelques années plus tôt d’un Programme commun de gouvernement aux accents lyriques.
Nous sommes allés plonger le nez dans ce document vieux de 47 ans : un livre de poche à la couverture rouge et noire et aux pages jaunies, édité en 1972 à plus de 500 000 exemplaires. Il est frappant de constater à quel point le langage est daté. On ne parle pas à l’époque d’anticapitalisme mais de guerre au « grand capital ». On ne parle pas d’écologie mais simplement de « lutte contre la pollution ». Et surtout, on ne remet en cause ni le productivisme ni la société de consommation.
Néanmoins, dans ce programme commun, on trouve des mesures qui, encore aujourd’hui, paraissent extrêmement modernes et que l’on aimerait voir mises en œuvre. Telle cette volonté de contraindre les industriels à ne plus mettre sur le marché des produits qui détruisent la Terre et ses habitants.
Voici deux extraits de ce programme commun, l’un concernant l’Europe, l’autre l’écologie :
La France et la Communauté économique européenne
Le gouvernement aura à l’égard de la C.E.E. un double objectif :
— d’une part, participer à la construction de la C.E.E., à ses institutions, à ses politiques communes avec la volonté d’agir en vue de la libérer de la domination du grand capital, de démocratiser ses institutions, de soutenir les revendications des travailleurs et d’orienter dans le sens de leurs intérêts les réalisations communautaires ;
— d’autre part, préserver au sein du Marché commun sa liberté d’action pour la réalisation de son programme politique économique et social.
La lutte contre la pollution et les nuisances
La pollution de l’eau et de l’air, les dégradations de la nature et des villes, les embouteillages pèsent de plus en plus sur les conditions de vie de la population. ces phénomènes ne sont pas des fatalités liées au progrès technique, au développement industriel ou à l’urbanisation. Le système capitaliste en porte la responsabilité.
En s’attaquant aux contraintes du profit monopoliste, une politique démocratique pourra utiliser pleinement le progrès scientifique et technique pour lutter contre les problèmes de la pollution et des nuisances. Elle créera les conditions d’une politique de préservation de la nature, d’organisation du repos, des loisirs et de la culture, d’aménagement du cadre de vie. Ces objectifs feront partie de la politique industrielle et d’aménagement du territoire.
Les entreprises responsables supporteront intégralement le financement de la réparation des dégâts causés par les nuisances et des investissements nécessaires à leur élimination. À l’avenir, les solutions seront recherchées dans la modification des processus de fabrication et des produits fabriqués, plutôt que dans le traitement à la sortie.
Pour faciliter la réduction des nuisances, sera créé un fonds de péréquation alimenté par des redevances versées par les industries polluantes selon le volume et la nocivité des pollutions causées. Le fonds de péréquation aidera les petites et moyennes entreprises les plus polluantes à mener l’effort d’équipement et d’épuration. Les grandes entreprises nationales et privées mèneront cet effort par leurs propres moyens.
Les entreprises nationales conduiront, en liaison avec l’Université, les recherches nécessaires et recevront, à ce titre, une aide du fonds de péréquation.
Ces dispositions seront accompagnées par une réglementation et des mesures d’ensemble prises par les collectivités publiques et destinées à améliorer le cadre de vie : protection et aménagement des forêts, des espaces vert, des sites, des rivages marins, des parcs naturels, des cours d’eau, des zones de vacances, de pêche et de chasse, etc.
Vous ne savez pas pour qui voter ce week-end ? La revue We Demain a passé en revue les programmes des principales listes aux européennes dans cet article : Urgence climatique : que proposent les candidats aux européennes ?
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2 réponses
Emmanuelle, merci, sans le vouloir, tu m’as rajeuni d’autant. La lecture de ton article m’a replongé dans une tranche de vie militante, car à cette époque j’ai contribué à la diffusion de ce « programme commun » avec la vigueur dont j’étais capable.
C’est vrai que tes choix d’extraits n’ont rien perdu de leur actualité!
Je t’embrasse.
Cher Samuel, m’en voilà ravie 🙂 Bisous