Finaliste du prix féministe Marie Curie pour son documentaire Les Veuves ne meurent plus, Aïcha El Hammar Castano s’est tournée depuis vers le rythme intense des dernières notices internationales à la sauce américaine. Pas question pour autant de résister aux récits de femme, qu’elle continue de collectionner à travers la planète. Le journal minimal l’a rencontrée.
Aïcha mène une double vie depuis plusieurs années : « Ça a toujours été évident pour moi, cette réalité de plusieurs continents, de manger à des heures différentes, de ressentir les vibrations du Brésil pour retrouver la rudesse du ciel gris bruxellois ou la grandeur des bâtiments new-yorkais. »
Cette dualité géographique se retrouve aussi dans sa vie professionnelle qui se partage entre journalisme international et script doctor aidant les grands producteurs britanniques, français, hollandais et brésiliens à améliorer leur scénario quel que soit le genre. « Un réalisateur s’attache à son écriture de film comme à un enfant. Un regard extérieur est une nécessité parce que c’est la parole du futur, la rencontre rêvée avec son public. Cette rencontre si attendue est parfois dure à assumer ».
Celle qui pour qui tout a été très vite ne considère pas pour autant cela comme un privilège mais comme une vraie responsabilité, notamment dans son travail de productrice en couvrant de grands évènement, du terrorisme aux épidémies mondiales. « Cette brutalité des breaking news me touche parce qu’elle crée un traumatisme instantané. Les victimes ou les témoins ont besoin d’un regard, d’une douceur ou d’un sourire. J’ai beaucoup d’humilité dans mes rencontres avec les autres et je ne souhaite qu’une seule chose : leur apporter de l’amour. »
« LES FEMMES DISSIMULENT LEUR SOLITUDE »
Après un passage à Cuba, elle écrit La vie de Jessica un mélange de rencontres autour de la prostitution dans un contexte d’ouverture du marché forçant les femmes à se prostituer « émotionnellement » et plus exclusivement « physiquement ». Ce scénario est produit en Argentine par Cristian Cardoner le producteur du bien nommé, La Reconstruction.
L’inspiration d’Aïcha ? Elle la trouve bien sur dans son travail de journaliste mais aussi via sa collection d’histoires réelles. « J’ai toujours observé, noté des gestes essayant de définir les silences. Les femmes, je les ai souvent vues dissimulant leur solitude derrière une conquête de l’apparence ou une victimisation parce que la vérité est trop dure. Mais il faut que ça cesse, il faut que nous sortions de cette obligation de la souffrance. »
Après six semaines au Brésil où elle a travaillé au côté de l’écrivain hollandais Marjon Van Royen sur l’adaptation de son livre La nuit du cri, Aïcha est partie à la rencontre de 6 femmes de milieux différents. Son objectif n’a été que de démontrer au travers de son nouveau scénario à quel point la femme doit transcender sa condition, avec au centre de tout l’altruisme et le principe constant de solidarité. De la favela Prazeres où des faiseuses d’ange clandestine aident des femmes dans un désarroi absolu en risquant leurs vies à des cliniques privées se faisant de l’argent sur une tragédie, Aïcha a brassé large dans un pays où l’avortement est toujours illégal. « Les femmes veulent que les violences s’arrêtent et c’est bien normal mais tout cela manque de militantisme et de dénonciation » affirme-t-elle. Cette commande d’une coproduction espagnole où Aïcha est chef du bureau pour sa télévision fera très certainement foi.