Je me pose beaucoup de questions depuis que j’ai vu la vidéo tournée par l’association L214 à l’abattoir de Mauléon, près de chez moi au Pays basque.
Pâques vient juste de se terminer. J’ai fait la recette d’épaule d’agneau de ma mère, la meilleure au monde. Trois heures au four très doux. À la fin de la cuisson, jeter dans un peu de jus une farce de mie de pain émiettée avec de l’ail, du persil, du gros sel et griller au four une dizaine de minutes. Les petites pommes de terres de l’Amap (1) étaient fondantes, glissant sur la langue, s’alliant merveilleusement à la farce aillée croquante et à la tendresse presque sucrée de l’agneau.
Un reste de cette viande attend dans mon frigo, sous forme de kotlets iraniennes, hachée avec des herbes et des épices. Traditions, encore.
OÙ L’AGNEAU A-T-IL ÉTÉ ABATTU ?
Mais une vidéo de l’association L214 [âmes sensibles s’abstenir, NDLR] a été postée sur Facebook : on y voit les souffrances insoutenables infligées aux animaux dans l’abattoir de Mauléon, au Pays basque, près de chez moi. C’est la troisième fois en un an qu’un petit abattoir local, où les paysans confient aveuglément leurs animaux, est pris en faute, preuves à l’appui.
Je réalise avec dégoût qu’il y a de grandes chances que ce soit à l’abattoir de Mauléon, qui travaille avec des éleveurs bio, que mon agneau ait vécu sa dernière heure. Cet agneau, à haute voix, je l’avais remercié en le mettant dans le plat, de nous nourrir moi et mes enfants pour ce déjeuner de famille.
Écœurée, je me précipite chez mon boucher bio, qui taille les viandes avec un respect et une délicatesse presque japonaises. Il accueille ma tête des mauvais jours et répond à ma question : mon agneau venait de l’abattoir de Saint-Jean-Pied-de-Port, pas de Mauléon. Pourtant, en sortant, je ne me sens pas mieux.
Me reviennent mes engagement de jeunesse, quand j’avais cessé totalement de manger de la viande pendant un an et demi. À tous ceux qui me demandaient pourquoi, je répondais que si je devais tuer la bête pour me nourrir, je ne le pourrais pas, point barre. Puis, j’avais recommencé à manger de la viande de la pire façon : en descendant de la pinasse Cap-Ferret/Arcachon, je m’étais jetée sur un hot-dog à la moutarde juste parce que l’odeur me plaisait et que je mourrais de faim.
LES MALADIES DES PAYS RICHES
Le soulagement avait été surtout social, ne plus avoir à se justifier, embarrassée, dès que je partageais un repas. Se fondre dans le moule des omnivores. Revenir aux côtes de bœuf cuites sur les sarments des vignes, arrosées d’un mélange d’échalotes grises et de beurre, comme on les prépare dans le Médoc. Mais depuis ce hot-dog, pour moi, la viande n’est jamais simple. Il y a eu la crise de la vache folle, apparue en même temps que l’expansion des McDo ; les alarmes des médecins contre la surconsommation de viande générant de nombreuses maladies dites « des pays riches ». Il y a eu aussi mon engagement militant dans le mouvement des Amap, et ma découverte des petites fermes d’élevage, essentielles à la survie d’un territoire, où les bêtes ne sont pas industrialisées comme à la Ferme des 1000 vaches, mais broutent tranquillement l’herbe tendre avant l’abattoir. Bref, je sens que cette vidéo, parce qu’elle a été tournée près de chez moi, va bouleverser de nouveau mon rapport à la viande.
(1) Association pour la maintien d’une agriculture paysanne.
2 réponses
He bien j’ai eu le même déclic avec une caméra cachée dans un abattoir tout près de chez moi (en Belgique). La caméra cachée montrait la maltraitance des bêtes infligée par les hommes par pur sadisme. ça m’a dégoutée. Depuis je suis végé (ça fait 9 bientôt!)
9 ans Marina, toutes nos félicitations ! 🙂