À la recherche de la nuit perdue

Nous dormons de moins en moins souvent dans le noir complet. Cela pourrait favoriser l’apparition de troubles psychiques et métaboliques tels que la dépression, le diabète, le cancer…

lampe de chevet
Image : Pixabay.

Depuis l’arrivée de l’éclairage électrique dans nos sociétés occidentales au début du 20e siècle, la nuit a rétréci de quatre heures en été et de sept heures en hiver pour les citadins. Or, nous avons tous besoin de dormir, et dans le noir c’est mieux ! L’éclairage intensif diminue la sécrétion de mélatonine, l’hormone du sommeil, qui régule les rythmes chrono-biologiques : c’est elle qui indique au corps l’heure de la journée et les saisons.

Ce déficit de mélatonine est amplifié pour les amateurs d’écran. La télé, l’ordinateur, le téléphone mobile ou les récents panneaux informatifs et surtout publicitaires sont éclairés par des diodes dont le spectre émis mime celui de la lumière du jour. Nos récepteurs physiologiques façonnés par de longs millénaires d’évolution sont alors complètement leurrés.

Les problèmes épidémiologiques causés par l’éclairage ininterrompu ne sont pas encore très bien étudiés. Cependant, selon une étude s’intéressant aux modifications neurologiques induites par le fait de vivre en ville, la perturbation du rythme circadien [le rythme circadien regroupe tous les processus biologiques qui ont une oscillation d’environ vingt-quatre heures, N.D.L.R.]dérègle le fonctionnement psychologique et pourrait expliquer – en partie – la survenue de dépressions. Les sociétés peu exposées aux lumières nocturnes, comme les Amish qui n’utilisent pas d’électricité, comptent un taux de troubles dépressifs majeurs de seulement 1 %, pour 15 % dans le reste de la population américaine.

La perturbation de l’horloge circadienne pourrait également favoriser les cas de diabète de type 2 (dont souffrent 21 millions de personnes en Europe). Un sommeil réduit, comme celui étudié chez les travailleurs de nuit, provoque en effet une mauvaise régulation du métabolisme glucidique : l’insuline, hormone facilitant l’absorption du sucre, ne fonctionne plus qu’à moitié.

En outre, pendant que nous dormons à poing fermé, les cellules adipeuses sécrètent normalement la leptine, l’hormone qui supprime la sensation de faim (d’où l’origine sans doute du proverbe « qui dort dîne »), tandis que dans la journée l’estomac produit la ghréline, une hormone qui donne faim. Ces perturbations du sommeil accroissent donc aussi le risque d’obésité.

La mélatonine aide à lutter contre le cancer
Il existe des récepteurs de mélatonine sur les cellules cancéreuses, le fait d’en capter réduirait donc la croissance des tumeurs (car du coup cela inhibe les récepteurs à l’œstrogène et à la progestérone, deux promoteurs connus du cancer du sein). La mélatonine pourrait également réduire le stress oxydatif (production de molécules dérivées de l’oxygène lors du métabolisme qui à la longue provoquent le vieillissement des cellules), susceptible aussi être à l’origine de tumeurs.

Pour retrouver un sommeil de bonne qualité, il est conseillé de régler l’émission lumineuse des appareils électroniques personnels comme les liseuses ou les écrans de mobile vers des longueurs d’onde plus longues (vers le rouge), voire de se procurer des lunettes spéciales qui bloquent les rayonnements bleus (ondes courtes).

Dans la chambre à coucher, supprimer toutes les sources lumineuses tels que les appareils en veille ne suffira pas s’il y a par exemple un lampadaire braqué sur votre fenêtre. Il faudra alors installer des rideaux occultant. En attendant qu’un jour, peut-être, nous débranchions ces éclairages nocturnes qui détraquent les rythmes des habitants de cette planète, hommes, animaux, plantes…

Source : Kelly G. Lamberta , Randy J. Nelson, Tanja Jovanovicc, Magdalena Cerdá. 2015. Brains in the city : Neurobiological effects of urbanization. Neuroscience and Biobehavioral Reviews.


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Herisson-tirelire par Erwann Terrier

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À propos de l'auteur
Écologue de formation, je concilie mes deux passions, les insectes et la typographie, en écrivant en pattes de mouche.
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