Après le combo covid-grippe-gastro, Super maman a vécu comme un enchantement l’arrivée du printemps. Les enfants écoutaient les « zoiseaux », goûtaient les pâquerettes…
autre jour, après presque trois mois d’hibernation, j’ai mis le nez dehors et un petit quelque chose m’a chatouillé les narines. Ça sentait le printemps ! Chez Super maman, dans le sud, les pêchers et les abricotiers en fleurs forment maintenant des lacs roses qui ondulent sous le vent. Les violettes tapissent les jardins, mangent les trottoirs et sucrent l’air. La lumière est plus intense et moins blanche.
Petit Tourbillon se roule dans le gazon et fait remarquer qu’on entend partout les « zoiseaux ». Mademoiselle Hirondelle jubile face aux bourgeons naissants et s’émerveille de la douceur des chenilles. Bébé Bolita, elle, découvre à grands cris de surprise le goût des pâquerettes. Le soleil chauffe à nouveau les manteaux, on chausse nos lunettes fumées et les gens à vélo recommencent à se saluer. Alors, heureux comme des pinsons hors de l’eau, on quitte tout. L’écharpe, le bonnet, les gants. Au vestiaire. On fait valdinguer l’hiver.
MONCEAUX DE MOUCHOIRS
On oublie les deux derniers mois enfermés dans notre terrier. On oublie le combo covid-grippe-gastro. On oublie les loupés de janvier et février : la scolarité en dents-de-scie de petite Hirondelle, l’état de choc de petit Tourbillon terrassé par le virus, les cernes et la fièvre de bébé Bolita, les anniversaires maintes fois repoussés et finalement célébrés avec des bouts de chandelle. On oublie aussi, que nous, parents à 100 %, si contents d’avoir survécu à Noël et d’entamer l’année sur les chapeaux de roue, nous l’avons attaquée sur les rotules. On quitte tout et vous l’aurez deviné, on s’en mord les doigts.
Alors on recommence. Dompter les bobos à coup de tisanes gingembre-miel-citron vert. Faire la chasse aux microbes avec des huiles essentielles, des décoctions de cannelle et des bouillons d’ail aux oignons (miam). Masser les petits corps endoloris à l’huile d’arnica. Se noyer dans des rivières de sérum physiologique. Regarder lentement la poubelle se remplir de mouchoirs en papier et s’excuser auprès des forêts. Sentir une fois de plus que le monde rétrécit, se résumant à nos quatre murs, à nos enfants fiévreux et irascibles, à nos humeurs tempétueuses et nos tempes en métal.
UN COUP DE FIL DE MA MÈRE
Et puis, un matin, c’est fini. Envolée la fièvre, au placard les remèdes, on ouvre grand les fenêtres et on pousse gentiment tout notre petit monde vers la porte d’entrée. École. Nounou. Le retour à la vie sociale est plein de cris et de larmes stridentes, mais nous, super-parents à bout, on fait la sourde oreille. On rachète des baskets, des moelleuses et solides, et on s’enfuit sur les chemins de terre.
Il est temps d’humer l’herbe coupée et les fruitiers en fleurs, à en éternuer. De libérer nos pas si vielles carcasses déjà rouillées. De donner à nos yeux autre chose à manger que la tapisserie du salon et l’écran de la télévision. D’offrir à bébé Bolita ses premières balades nez au vent et de l’entendre rire aux éclats. Et, pour Super maman, de sentir autre chose que la douleur du corps [voir l’épisode n° 9 : Mais pourquoi s’entête-t-elle à faire des gosses ?], pesante comme ce début d’année. Dehors l’hiver ! Ouste les bobos ! On sort de son terrier. Le printemps est arrivé. Soudain un coup de fil de ma mère me ramène à la réalité. Comment ça c’est la guerre ? Depuis jeudi dernier ?? Bon, moi je crois que je vais retourner hiberner.