Porte-parole de son peuple, Almir Narayamoga Surui est l’un des activistes les plus reconnus contre la déforestation de l’Amazonie. Son combat est une leçon de vie.
Le genre
Témoignage.
Le pitch
L’ouvrage relate, par la voix de son chef, Almir, le combat de la tribu des Paiter Surui pour défendre les terres menacées par l’exploitation forestière et la politique d’élevage intensif des bovins en Amazonie.
Les auteurs
Almir Narayamoga Surui est né en 1974 dans l’État de Rondonia au Brésil, sa tribu est celle des Paiter Surui. Élu chef de son village en 1992, il a été le premier de son clan à aller à l’Université (où il a étudié la biologie). Activiste de la sauvegarde de la forêt amazonienne, il a révolutionné par son approche le combat écologiste en utilisant la technologie et les médias, plaidant sa cause dans 27 pays.
Corine Sombrun est compositrice et reporter pour la BBC. En 2001, lors d’un voyage en Mongolie, elle entre en transe au cours d’une cérémonie et se transforme en loup. Elle entame alors un grand périple chamanique, dont elle témoigne dans plusieurs ouvrages.
Mon humble avis
Ce livre permet d’aborder le vaste sujet de la déforestation de l’Amazonie au plus près. Le chef indien raconte à Corine Sombrun son combat pour la protection de la forêt, il décrit avec poésie les mœurs, les rites et les traditions des membres de sa tribu, mais aussi les rêves et les présences divines ou naturelles qui animent leur spiritualité sauvage.
L’ouvrage montre la détermination de son père Marimop, chef de la tribu, sa ténacité à défendre sa forêt avec son arc. Il y a là l’étrangeté et la bonté touchante d’êtres vivants en symbiose avec leur environnement, d’ailleurs l’environnement n’existe pas, ils sont la nature comme la nature est eux. Cette nature s’appréhende du côté des perceptions, des sons, ce sont des êtres à l’écoute du chant du monde, leur survie même en dépend, et cette approche indigène fait chanceler les totems synthétiques de nos cultures occidentales.
DÉPOSSESSION CRUELLE
L’histoire des Paiters Surui bascule en quelques décennies. L’arrivée des premiers bulldozers est un choc des civilisations. Les indigènes n’avaient jamais vu d’engin, ils pensaient que c’était un animal féroce. Almir dénonce la corruption des pouvoirs qui ensuite, sous prétexte d’aides humanitaires, ont officieusement continué le trafic illégal de parcelles de la forêt. Cette dépossession ( ou expropriation) s’opérera de maintes façons et dans la violence : certains récits des conflits entre tribus et exploitants témoignent d’une cruauté rare.
En une génération, Almir est passé d’un mode de vie ancestral à ce nouveau monde connecté qu’il a dû intégrer et apprivoiser hâtivement, afin de trouver peu à peu des issues et des alternatives aux différentes contingences politiques, économiques et écologiques.
Une phrase du livre
« J’ai longuement observé cet arbre extraordinaire et soudain compris deux choses : je devrais tout d’abord apprendre à mieux regarder, et puis si un arbre pouvait marcher, alors rien n’était impossible… »
Un extrait du livre
[Dialogue entre Almir et Marimop, son père, qui lui enseigne les arbres de la forêt]
« — L’esprit de cet arbre s’appelle Saati. Le Wawa (chamane) dit qu’il se déplace sur un seul pied parce que de petits animaux lui ont mangé une jambe. Mais ne t’y trompe pas, cela ne l’empêche pas d’être très puissant et de soigner. Il est d’ailleurs le symbole du clan Makor.
— Et cet arbre t’a dit quelque chose ?
— Pour ceux qui connaissent la forêt, les arbres parlent.
— Les animaux aussi ?
— Bien sûr.
— Et ils vont me parler, les arbres ?
— Ils parlent uniquement à ceux qui savent qu’ils parlent.
— Mais je le sais maintenant, alors pourquoi est-ce que je ne les entends pas ?
— Tu vas devoir gagner leur confiance.
— Comment ?
— Le père de la forêt, l’esprit Paidamata, te le dira.
Je suis resté longtemps à l’écouter. Sans rien entendre d’autre que le bruit des insectes, des oiseaux, des grenouilles et des feuilles. Un bruit assourdissant que la voix de mon père a de nouveau interrompu.
— Regarde cet arbuste mokaï aux feuilles rondes, vert clair. Si tu les frottes sur ton bras, son esprit te protégera et te donnera plus de force pour porter du bois. Si tu les passes sur tes yeux, il t’aidera aussi à en trouver.
Un peu comme s’il avait retrouvé un vieil ami, Marimop s’est dirigé vers un autre mokaï. Les plumes d’aigle de son cocar (la coiffe de plumes typique) épousaient le rythme souple de sa démarche. Disposées horizontalement sur une tresse de paille, elles formaient autour de sa tête un disque noir aux extrémités blanches. Cette coiffe nous donnait la puissance de l’aigle et celle d’affronter les animaux qui pourraient nous attaquer, m’avait-il expliqué. »
Almir Narayamoga Surui et Corine Sombrun, Sauver la planète, le message d’un chef indien d’Amazonie, Albin Michel, 2015.