Il ne se passe plus une année, un mois même, sans qu’un rapport révise les prévisions de chaos climatique à la hausse. Pourquoi les calculs scientifiques sont-ils toujours à la traine ?
La Terre se réchauffe plus vite que prévu ! » : sans doute sommes-nous nombreux à en avoir assez d’entendre et de voir cette antienne scientifique inonder les médias depuis trente ans. Qui peut encore ne pas s’être rendu compte que les calculs des experts pêchent presque toujours par optimisme ? En 1990, le premier rapport du Giec évoquait un réchauffement maximal de 3 °C d’ici à 2100 dans le pire des scénarios. Et à l’époque, il était déjà évident qu’il allait falloir multiplier ce chiffre par deux ou plus pour avoir une idée du scénario le plus probable. Comment croire, en effet, que l’être humain soit capable de modéliser son propre avenir alors qu’il a déjà du mal à prévoir tous les coups possibles lors d’une partie d’échecs ? De rapport en rapport, le Giec n’a ensuite cessé de revoir ce plafond à la hausse, et envisage aujourd’hui une hausse à 7 °C pour 2100.
À quoi l’optimisme insensé des scientifiques tient-il ? Déjà Voltaire, en son temps, critiquait dans son conte satirique, Candide ou l’optimisme, la vision angélique du mathématicien et philosophe allemand Leibniz, qui prétendait que l’homme vit dans le meilleur des mondes possibles, celui-ci ayant été créé par Dieu, et qu’il n’y avait donc pas de nécessité à le changer pour être heureux. Après Leibniz, un autre mathématicien influent, le français Auguste Comte, a conforté ses pairs dans une espèce de paresse intellectuelle et d’anesthésie émotionnelle avec son « positivisme », doctrine selon laquelle (pardon, je caricature un peu) les seules connaissances recevables sont celles qui peuvent être démontrées scientifiquement.
COMBINER LES DONNÉES
La minimisation des conséquences mortifères de la civilisation industrielle, la croyance dans le progrès par la technologie, la foi dans la capacité de notre espèce à pouvoir tout contrôler et renverser la vapeur par la bio-ingénierie, conduisent mécaniquement à ces erreurs de calcul. Tout comme le manque d’imagination et l’absence de vision holistique : les experts du Giec ne semblent pas en mesure de prévoir et de combiner des données telles que le déni, l’inconscience, l’appât du gain, le cercle vicieux de la climatisation, l’égoïsme de nos contemporains (après moi le déluge), le retour des politiques natalistes en Chine, en Italie et peut-être bientôt en France sous l’impulsion de François Bayrou, les publicités pour les SUV et les objets connectés, les méga-feux, la disparition des nappes phréatiques, la détresse des végétaux, l’interdiction des paquebots à Venise mais finalement ils ont quand même le droit de revenir à l’intérieur de la lagune car le terminal censé les accueillir n’est pas encore construit…
La crise climatique sera au centre des négociations du G7 qui se réunit au Royaume-Uni du 11 au 13 juin prochains, avant que de « grandes décisions » soient prises lors de la Cop26, qui se tiendra en Écosse du 1er au 12 novembre 2021. Mais malgré l’emballement climatique en ligne de mire (le seuil de 1,5 à 2 degrés sera franchi dans quelques années), aucune grande décision ne sera prise par les chefs d’État. Ils ont encore plus de mal que les scientifiques à embrasser la réalité du réchauffement, les chiffres ne leur parlent pas. « C’est quand même une vraie question : pourquoi la science se résumerait à ce qui est mesurable ? Qui a décidé de ça ? » se demande ces jours-ci dans une interview à nos confrères de Reporterre le botaniste Francis Hallé. Selon ce naturaliste, il est temps pour l’espèce humaine de se libérer du règne de la mesure et de renouer avec la sensibilité. Oui, on peut même dire que ça urge.