Squat story #13 : Après l’accord provisoire avec le propriétaire, l’esprit de la fête s’empare du Post

Alors que les prix de l’immobilier flambent dans la capitale, des artistes se sont emparés d’un immeuble vacant rue Blanche (Paris 9e). Découvrez le nouvel épisode de cette aventure homérique.

la fête au Post

Le feuilleton Squat story est raconté ici par Gaspard Delanoë, figure historique des squats d’artistes parisiens, ouvreur du célèbre 59 Rivoli, conventionné avec la Ville de Paris. Né début janvier 2019, Le Post connaitra-t-il un sort similaire ? Dans le précédent épisode, les occupants menacés d’expulsion obtenaient in extremis de la part du propriétaire de l’immeuble l’autorisation de rester dans les locaux pendant six mois. Dans ce nouvel épisode, Gaspard Delanoë nous raconte l’ambiance complétement fofolle suscitée par cet accord inespéré.

Lettrine Alors l’énergie créatrice qui avait été contenue durant ces trois longs mois d’incertitude se libéra subitement. Le fait de disposer d’un peu de temps – six mois – et d’espace (les sous-sols semblaient particulièrement propices à toutes sortes d’activités collectives) autorisa chacun à concevoir un mode de développement satisfaisant pour son art, chose qui eût été impossible dans l’urgence. Et de fait, très vite, chacun proposa qui une expo, qui un concert, qui une performance, et Le Post devint en quelques semaines un des avant-postes de l’art alternatif à Paris.

Une expo, notamment laissa un souvenir de folie dans les mémoires : l’expo « Panique ».

Le concept était tout simple : un mardi, n’importe quel mardi, soit deux jours avant un jeudi – n’importe quel jeudi –, Alex Gain allait poster un message annonçant que tout le monde avait la possibilité de venir accrocher une œuvre dans l’expo « Panique » et ce, à compter du mardi 14h, jusqu’au jeudi 16h , le vernissage étant prévu à 18h !

UNE SUPERBE FÊTE

De fait, quand Alex posta son message, ce fut un véritable rush et des centaines d’artistes parisiens se précipitèrent pour accrocher UNE œuvre (c’était la règle : pas plus d’une), les premiers arrivés étant bien entendu les premiers servis, comme dans une boulangerie.

Le vernissage draina des centaines de curieux, amis d’amis, badauds, artistes underground, venus à la fois pour découvrir le squat mais aussi participer à l’expo « Panique », fondée sur le principe de la non-sélection, c’est-à-dire l’exact contraire de ce qui régit l’art contemporain depuis quarante ans : l’ultra-sélection.

Et ce fut une fête. Une superbe fête.

Dans les semaines qui suivirent, les Déesses de la Fesse donnèrent quatre représentations d’un spectacle érotico-burlesque hilarant, le pianiste virtuose David Kadouch joua Scherzo, – l’opus n° 20 de Chopin –, Manon Dard et Alice Bigot, deux des fondatrices du Post, présentèrent une incroyable reconstitution de la mer… au 2e sous-sol (!), Ugo et Tito, deux graffeurs hyper productifs, réalisèrent une fresque de 10 mètres au 3e sous-sol, un collectif d’artistes tatoueuses proposa une soirée intitulée « Crépuscule apostolique » où chacun pouvait se faire un tattoo unique au monde, bref, ce fut un véritable feu d’artifice artistique que rien, désormais ne semblait pouvoir arrêter d’ici la dead line fixée par la compagnie-d’assurances-globalized propriétaire des lieux.

LE POST INSPIRE LES CŒURS

Le sentiment qui s’étendait presque quotidiennement dans le cœur de chacun, c’est que, de minuscule rivière prenant sa source au cœur de l’hiver, Le Post s’était progressivement étoffé jusqu’à devenir un beau et large fleuve, drainant avec lui mille énergies venues des alentours, sautant le long des rives, approfondissant son lit et l’impression que tout le monde avait était que ce fleuve arrivait maintenant à la mer, en plein été, accomplissant peut-être son destin, tenant sa complétude…

Et de fait, quelques semaines plus tard, l’histoire du Post allait résonner dans toutes les têtes et inspirer les cœurs, car une nouvelle ouverture, en tout point semblable à celle du Post, allait jaillir des entrailles de la ville…

Une nouvelle ouverture, oui, c’est-à-dire une nouvelle tentative d’ouvrir un squat.

Car telle est, dans ce petit milieu alternatif, le nom par lequel on désigne une tentative réussie d’entrer dans un lieu : une ouverture. Le festival des squats ne s’intitulait-il pas depuis plusieurs années le F.O.U., le Festival des Ouvertures Utiles ? Aux échecs, l’ouverture désigne les premiers coups destinés à développer un système d’attaque. Et de défense.

> Retrouvez bientôt la suite dans le journal minimal.
> À (re)lire : les autres épisodes de la série Squat story.

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À propos de l'auteur
Le mot performeur me semble le plus adéquat pour décrire mes différentes activités : colporteur de journaux, comédien, ouvreur de squats artistiques, chroniqueur au Huffington Post, candidat à diverses élections… J’ai publié mon premier récit, « Autoportrait (remake) », en 2017 aux éditions Plein Jour.
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