Une ville pittoresque sans routes ni voitures, le doux clapotis des canaux… tel est le mythe de Giethoorn. Mais le tourisme de masse a tout changé. Reportage.
l existe au nord-est des Pays-Bas une petite ville qui fait fondre le cœur de ses visiteurs : Giethoorn. Une « Venise du Nord » perdue dans la nature, veinée de canaux hollandais qui laissent l’environnement vierge de la moindre route. Et il n’est possible de rejoindre ce paradis de verdure qu’à pied ou en bateau. Du moins, c’est ce que disent les journaux…
Attirée par des images pittoresques, je m’y suis rendue il y a quelques mois, en quête de tranquillité. Mais sur place, j’ai découvert que tout ce que j’avais lu était un mythe.
À peine descendue du bus, je commence à entrevoir ce à quoi ressemble vraiment Giethoorn : une ville desservie par un grand axe, qu’empruntent de nombreuses voitures. Au bord de la route, les banderoles et autres panneaux de publicité pour des locations de bateaux saturent le paysage.
Je loge dans l’unique auberge de jeunesse de la ville, située en plein cœur du village et je comprends vite que c’est de là que viennent les images de carte postale qui m’ont fait rêver. Effectivement, depuis le jardin, on n’aperçoit ni route, ni voiture… Mais cela le long de deux canaux seulement, autour desquels se forge donc le mythe touristique d’une ville préservée de la circulation automobile et qui offrirait un calme absolu.
PARKINGS À VOLONTÉ
Au détour d’une promenade, je tombe sur une boutique de souvenirs. Les cartes postales dans les présentoirs montrent des images qui datent des années 1960, voire plus anciennes encore. On y voit des agriculteurs charger leur barque de bidons de lait et même faire monter les vaches à bord pour les transporter. La réalité est tout autre aujourd’hui : la voiture se gare aisément au bout de la rue, sur les parkings d’hôtel ou de clubs de location. Et ça, c’est beaucoup moins extraordinaire.
Mais le mythe fonctionne. Giethoorn a pour habitude d’accueillir par milliers des touristes qui s’entassent le long d’allées minuscules. Les barques de location occupent tout l’espace et le bruit incessant des chocs parasite la tranquillité promise. Quant aux maisons, coiffées de leurs toits en paille, elles ont bien gardé leur authenticité architecturale, mais pas leur usage d’origine. Peu d’entre elles sont encore habitées par des particuliers. Beaucoup sont maintenant des restaurants, des hôtels… d’autres maisons sont en vente.
Avec le Covid-19, Giethoorn a perdu ses 350 000 touristes chinois. L’épidémie pourrait mettre en péril les entreprises locales (loueurs de bateaux, restaurateurs, boutiques de souvenirs, hôteliers, chambres d’hôte) qui pullulent dans les allées de la ville. « C’est dramatique », s’inquiète Gea Ardesch, propriétaire du Black Sheep Hostel.
Mais ce changement brutal sera peut-être l’occasion d’une évolution. La limitation du nombre de touristes était un objectif du gouvernement néerlandais en 2019. Une campagne de communication a été lancée pour désencombrer les cités phares que sont Giethoorn et Amsterdam. Ce plan consiste à attirer les touristes dans d’autres villes et d’autres quartiers des Pays-Bas, via la promotion de « scénarios » alternatifs : la route de la Libération, le Waterland ou encore le parcours des peintres néerlandais Van Gogh et Mondrian… De quoi découvrir le pays en laissant Giethoorn retrouver le charme et la douceur qui avaient fait sa réputation ?
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