La suppression des emplois d’insertion, annoncée cet été par l’exécutif, met en péril les associations, les coopératives et les start-ups de l’économie sociale et solidaire.
« Qui veut noyer son chien, l’accuse de la rage » écrivait Molière dans Les femmes savantes, reprenant une expression proverbiale. C’est à peu près ce qui se trame en ce moment avec les emplois aidés, créés dans les années 1980 pour faciliter l’embauche de citoyens en difficulté (chômeurs longue durée, handicapés, juniors, séniors) mais accusés de tous les maux par l’exécutif depuis le 9 août dernier. Ce jour-là, juste avant de partir se relaxer en Normandie, la ministre du Travail Muriel Pénicaud affirme devant les députés que : « un, les contrats aidés sont extrêmement coûteux pour la nation ; deux, ils ne sont pas efficaces dans la lutte contre le chômage ; et trois, ils ne sont pas un tremplin pour l’insertion professionnelle ».
Ces trois contrevérités sont depuis répétées en boucle par le gouvernement, le Premier ministre, Édouard Philippe y allant allégrement de sa grosse intox, relevée par Libération. Signalons ici à nos lecteurs la remarquable enquête d’Alternatives Économiques dézinguant la propagande de l’exécutif à l’encontre de ce dispositif : les études compulsées par nos confrères montrent le modique cout financier de ces contrats pour l’État (seulement 10 000 € en moyenne par emploi aidé, soit 40 fois moins cher que le coût d’un emploi sauvé grâce aux exonérations de charge du CICE, Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi créé pour les grandes entreprises !), leur efficacité pour lutter contre le chômage, leur utilité en terme de réinsertion sociale.
DIVISER L’OPPOSITION
Comme de bien entendu, face à la montée des protestations et aux reportages révoltants des télévisions sur les rentrées des classes reportées et les sans-dents dont les contrats ne seront pas renouvelés, Muriel Pénicaud s’est radoucie : « C’est faux de dire qu’on va les supprimer [ces contrats]: on va les cibler sur les personnes les plus éloignées de l’emploi et dans les secteurs où il y en a le plus besoin, notamment pour l’accompagnement des élèves handicapés, l’outre-mer et l’urgence en matière sociale et sanitaire » a-t-elle déclaré le 26 août.
C’est toujours le même scénario avec les ultra-libéraux : ils annoncent une mesure brutale, puis face au scandale ils ménagent ensuite une partie du public concerné (la plus touchante) et divisent ainsi les rangs de l’opposition. Cette méthode progressive, rappelons-le, a été théorisée en 1996 par l’expert en finances publiques Christian Morrisson dans son rapport pour l’OCDE sur « la faisabilité des politiques de l’ajustement ».
Les dégâts seront donc limités pour une partie des structures qui recourent aux emplois aidés mais lourds voire mortels pour toutes les autres, qui vont perdre une bonne partie de leurs effectifs : collectivités locales, associations, coopératives, entreprises de l’économie sociale et solidaire, dont certaines sont pourtant les start-up du monde qui vient, cette société post-capitaliste émergente, dans laquelle les acteurs économiques agissent non pas dans un but lucratif mais tentent d’œuvrer au bien commun.
33 000 SIGNATURES
C’est tout un pan de l’économie nouvelle qui est menacé par cette décision : des centaines de milliers d’établissements, tels que Numéro 1 Scolarité (soutien scolaire aux handicapés), Carton plein (déménagements à vélo) ou encore l’Association Minima, lauréate des trophées parisiens de l’ESS, qui édite le journal minimal (le média en accès libre et sans publicité que vous lisez en ce moment).
La pétition lancée par une petite association étudiante clermontoise pour demander le maintien des contrats aidés « au nom de la redistribution des richesses et de la justice sociale » a recueilli près de 33 000 signatures. C’est beaucoup, compte tenu du morcellement du milieu associatif, mais c’est bien peu pour faire entendre raison à Jupiter. À moins qu’entre deux caresses à son nouveau labrador Nemo, qu’il n’a pas encore accusé d’avoir la rage, il ne lise les commentaires éloquents laissés par les signataires ?
Ce gigantesque plan social d’Emmanuel Macron ressemble à une guerre éclair contre tout ce qui n’est pas concurrentiel. Où est passée la bienveillance dont il s’est réclamé pendant toute sa campagne présidentielle ? On lance un avis de recherche.
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