Lancé au sein d’une petite communauté rurale, le túmin a essaimé dans le pays pour devenir l’un des moyens de paiement les plus recherchés par les populations urbaines écolo branchées.
Créé il y a cinq ans par la communauté totonaque d’Espinal (région du Veracruz), le túmin circule aujourd’hui dans 15 régions du Mexique et est accepté par plus de 850 commerçants. Cette monnaie alternative, inspirée du modèle zapatiste et du troc, devait permettre de soulager le quotidien de dizaines de familles vivant en dessous du seuil de pauvreté. Pari gagné, et même dépassé.
UNE AUBAINE POUR CEUX QUI N’ONT PAS BEAUCOUP DE PESOS
Tous les jeudis, sur le marché agroécologique de l’espace coopératif La Casa de Nadie, à Xalapa (la capitale de l’État de Veracruz), ils sont plusieurs à venir vendre leurs produits ou dépenser leurs túmines. « C’est une façon de promouvoir l’économie de proximité et de soutenir la production locale. Cela permet aussi à certaines personnes qui n’ont pas beaucoup de revenus en pesos mexicains de consommer mieux », raconte Sabrina Van Remoortere qui propose des produits régionaux tels que du beurre de noix de coco, de l’huile d’olive bio ou des répulsifs anti-moustiques à base d’huiles essentielles.
À Xalapa, grande cité montagneuse perchée à 1400 mètres d’altitude, entourée de volcans et de forêts et bercée par le son de la jarana (guitare typique), le moyen de paiement amérindien a trouvé un terrain propice à son épanouissement. Le túmin représente en effet une forme de résistance, alors que la pollution générée par le ballet des autos, des taxis et des bus déglingués ne cesse de croître, que les centres commerciaux poussent comme des champignons et que le made in China évince l’artisanat traditionnel.
S’ÉMANCIPER DU SYSTÈME MONÉTAIRE DOMINANT
Dans un Mexique où 53,2% de la population vit sous le seuil de pauvreté selon la Banque mondiale, ce mode de production et de consommation a de quoi séduire tous ceux, et ils sont nombreux, qui gagnent 70 pesos par jour (soit environ 3,5 euros). Le túmin constitue une véritable alternative économique. Pour entrer dans le réseau, il faut, comme Sabrina, s’engager à être à la fois consommateur et producteur. Car à l’inverse d’autres monnaies locales, le túmin ne s’achète pas.
« La valeur de cette monnaie se fonde sur ce que l’on produit, et non sur ce que l’on détient. Cela permet de s’émanciper en partie du système monétaire dominant, tout en s’investissant dans un réseau où priment confiance et responsabilité. Être « túministe », c’est accepter de repenser son rapport à l’argent. Le but n’est plus de produire ou de travailler pour survivre, mais de faire circuler les biens, les services ou les savoirs », explique Mayeli Ochoa, coordinatrice du projet, brodeuse et tisseuse.
En entrant dans le réseau, le nouvel adhérent reçoit gratuitement 500 túmines (équivalent à 500 pesos mexicains, soit environ 30 euros), du matériel de promotion et un abonnement à Kgosni, une revue mensuelle sur l’actualité des túministes. Un fonctionnement coopératif attirant pour de jeunes entrepreneurs comme Alfredo, producteur de café, ou Nadia, boulangère.
À ce jour, à Xalapa et dans les villages alentours, plus de 80 prestataires acceptent le túmin. Cours de langue, acupuncture, burgers végétariens, massages Reiki, ébénisterie, fromagerie, etc. Il y en a pour tous les gouts. Et pour les consommateurs qui n’ont aucune production à proposer, il existe la possibilité d’entrer dans le réseau par la petite porte, en demandant à un commerçant qui leur rend la monnaie de le faire en túmines. Histoire de s’initier à la solidarité et de s’affranchir un peu du tout-puissant peso qui s’évapore souvent trop rapidement des porte-monnaies mexicains.
2 réponses
Un autre exemple de monnaie locale en Ardèche vu dans un reportage : http://www.comunidee.com/des-monnaies-locales-pour-lutter-face-a-la-crise/
Lucie
Ah, les amis de Comunidée ! Excellent la luciole 🙂