Même le Conseil d’État demande au gouvernement d’agir contre la pollution lumineuse. Celle-ci, en très forte augmentation, a des conséquences graves sur la santé des végétaux.
Il est étrange d’avoir à rappeler que la nuit, il devrait faire noir. Mais en l’espace d’une cinquantaine d’années nos modes de vie ont perturbé ce phénomène sur lequel la vie s’était construite depuis des milliards d’années. Un demi siècle, c’est bien entendu un temps trop court pour permettre aux espèces de s’adapter à cette nouvelle (et supplémentaire) menace que constitue la pollution lumineuse. Or, les rythmes circadiens (alternance jour-nuit sur une période d’environ vingt-quatre heures) régissent la majorité des fonctions vitales végétales et animales.
Les végétaux chlorophylliens se nourrissent de l’énergie lumineuse même. L’éclairage nocturne a donc forcément un impact sur eux, mais lequel ?
LES PLANTES ÉCLAIRÉES N’ARRIVENT PAS À DORMIR
L’énergie lumineuse est constituée de trois paramètres : la longueur d’ondes (sa couleur), l’intensité, et la durée. La photosynthèse a lieu seulement sous certaines longueurs d’ondes de forte intensité. Mais les plantes sont aussi sensibles aux longueurs d’onde de faible intensité : celles-ci leur indiquent la durée d’éclairement et la saison ou la période du jour ou de la nuit. Cette photopériode joue un rôle important dans leur croissance et leur reproduction : elle régule les rythmes biologiques comme la pousse des tiges ou des feuilles, la germination des graines, l’éclosion des fleurs ou la dormance hivernale.
Si l’éclairage nocturne que l’on connaît aujourd’hui n’a sans doute pas l’intensité nécessaire pour affecter la photosynthèse, il a tout de même un impact sur la perception de la durée du jour par les végétaux. Ainsi, la lumière artificielle allonge la journée des plantes, ce qui provoque une croissance continue, alors que normalement les végétaux cessent de croître durant la nuit. En hiver, les végétaux entrent habituellement en dormance, ralentissent leur métabolisme, et offrent le moins de prise possible au froid (chute des feuilles, etc.). Quand il sont à proximité des lampadaires, on observe en revanche des arbres encore feuillus. Toutes ces feuilles demandent autant de ressources pour se maintenir, et cela fragilise le végétal, plus sensible alors aux maladies et au gel.
- Nicolas Hulot sommé de légiférer contre la pollution lumineuse
- Le Conseil d’État vient d’ordonner à l’État d’édicter les arrêtés prévus par la loi de 2010 « portant engagement national pour l’environnement » afin de limiter les effets de la lumière artificielle sur les personnes et sur l’environnement, ainsi que de réduire la consommation d’énergie. Ceux-ci n’ont jamais été pris par les ministres de l’Environnement qui se sont succédé, à l’exception d’un arrêté en 2013. Selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), le nombre de points lumineux de l’éclairage public a augmenté de 89 % en France entre 1992 et 2012.
Source : Brief.me & Sciences et Avenir
Autre impact, pendant la période feuillue cette fois : la croissance boostée induite par une journée plus longue provoque des feuilles plus larges, et donc plus de surface d’évaporation en cas de chaleur, ce qui peut rendre la plante plus sensible à la sécheresse. Les polluants atmosphériques sont également davantage captés par cette surface de feuilles supplémentaire.
La journée à rallonge perturbe la perception des plantes, qui ne savent plus quelle est la saison. Couplée à un réchauffement des températures comme on le constate en ville, elle provoque une émergence des bourgeons plus tôt dans l’année. Or, généralement, les fleurs éclosent au moment où le sol se réchauffe au printemps, et lorsque les premiers insectes pollinisateurs émergent. Si la floraison a lieu trop tôt, les fleurs sont déjà fanées quand les insectes se mettent en quête de leur nectar, et les conséquences néfastes sont doubles : les fleurs ne sont pas fécondées, ne donnant pas de fruit, et les insectes n’ont rien à manger et meurent. À terme, on peut donc penser que c’est toute la survie des plantes pollinisées qui est en jeu, ainsi que celle des insectes et autres animaux qui s’en nourrissent (dont nous !).
Sources
• William R. Chaney. 2002. Does Night Lighting Harm Trees? Department of Forestry and Natural Resources.
• French-Constant RH, Somers-Yeates R, Bennie J, Economou T, Hodgson D, Spalding A, McGregor PK. 2016. Light pollution is associated with earlier tree budburst across the United Kingdom. Proc. R. Soc. B. 283.