Circuler à vélo aux Pays-Bas, c’est expérimenter un rêve de cycliste. Durant mon séjour, je n’ai cessé de comparer nos deux pays, pour tenter de comprendre les origines de notre retard.
Il n’est pas rare que les Néerlandais possèdent deux véhicules : un pour la ville, un pour la route. Des vélos, bien entendu ! Et là-bas, ce ne sont pas des 4×4 que l’on trouve entassés dans les parkings à étages près des gares, mais des bicyclettes. Car, que l’on promène son chien ou que l’on papote au retour du travail, là-bas, c’est toujours en pédalant. Quand on est habitué aux routes françaises, on en viendrait presque à envier leurs embouteillages de deux roues !
Les Pays-Bas sont tellement un exemple pour nous que plusieurs grandes villes telles que Nantes, Lille, Paris et Montreuil ont demandé à l’Ambassade cycliste néerlandaise (DCE, Dutch Cycling Embassy) des conseils pour améliorer leur politique cyclable. Comment un tel écart d’usage des transports s’est-il creusé entre les Pays-Bas et la France ?
D’abord, il y a la planéité des terres néerlandaises, idéale pour pédaler sans se fatiguer, mais le pays a un autre atout : il est tout simplement petit ! Aller de Leyde à La Haye se fait par exemple en 25 kilomètres seulement. Les Pays-Bas ont su profiter de cet avantage de proximité pour développer des voies cyclables en dehors des agglomérations, créant ainsi un réseau cyclable global.
Ces itinéraires ne sont pas spécialement beaux, c’est vrai, ils ont cependant le mérite d’exister. J’en ai moi-même pas mal profité en tant que touriste lors d’une semaine à travers la Hollande et c’est d’ailleurs en premier lieu pour attirer ce public que les voies pour vélo ont vu le jour dès la fin du 19e siècle.
DISCONTINUITÉ DU RÉSEAU FRANÇAIS
L’un de mes hôtes m’a raconté avoir eu pour habitude, lorsqu’il était enfant, d’avaler 20 kilomètres à vélo matin et soir entre sa maison située en pleine campagne et son école à Amsterdam ! Aujourd’hui, rien moins que 15% des déplacements de 10 à 15 kilomètres se font à vélo, et la politique néerlandaise actuelle vise à augmenter les distances parcourues de cette manière.
À l’inverse, c’est plutôt la discontinuité du réseau qui caractérise la France : dans ma commune, Mayenne (Pays-de-la-Loire), par exemple, on trouve un bout de voie vélo par ci, un bout par là, puis plus rien. Je me suis déjà retrouvée coincée dans un rond point ou dans des situations dangereuses. Aux Pays-Bas en revanche, les pistes cyclables sont largement éloignées de la route, ce qui évite les débordements et les stationnements sauvages de voitures. Parfois même, les itinéraires réservés aux vélos se détachent totalement des voies pour automobiles. Des équipements cruciaux lorsque l’on sait que « le frein le plus important au vélo est la sécurité », note la DCE.
PRIORITÉ AUX CYCLISTES
Certaines pistes cyclables sont signalées au sol par une couleur pourpre, plus visible que de simples pictogrammes. Quant aux intersections, les vélos ont leurs propres feux de signalisation et une file dédiée pour traverser les ronds points facilement et en toute en sécurité. Ces aménagements sont d’ailleurs représentatifs du principe de priorité donné aux cyclistes sur la route. Et cette priorité est respectée par les automobilistes, dont la bienveillance à l’égard des cyclistes contraste avec la brutalité des chauffards hexagonaux.
La situation actuelle s’explique aussi par des faits historiques. La France a été un des pays pionniers de l’automobile, avec Peugeot, Renault, Citroën, tandis qu’aux Pays-Bas dans les années 1960 le groupe contestataire Provo, aux revendications écologistes et anti-monarchistes, a été à l’origine du premier « Plan blanc » : la mise à disposition gratuite de vélos (de couleur blanche), un moyen de transport qu’ils considéraient comme un droit pour tous.
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Cette culture du vélo s’est accompagnée de mesures destinées à limiter la place des voitures en ville : création de zones piétonnes, augmentation des tarifs de parking, limitation de la vitesse à 30 km/h dans les espaces urbains… C’est dans ce contexte que les Pays-Bas sont parvenus à un taux d’usage du vélo de 27 % parmi l’ensemble des transports. En plus d’être bon pour la santé et peu polluant, ce mode de déplacement favorise l’économie locale, selon l’Ambassade du vélo, puisque les cyclistes vont préférer les petits commerces du centre ville aux zones commerciales excentrées. Et d’une manière générale, la bicyclette augmenterait la sociabilité des citoyens.