« Haro sur le bio », cet article discrètement pro-pesticides du HuffPost qui ne passe pas !

TRIBUNE. Le HuffPost sous-entend dans un article que les pesticides ne causent pas forcément plus de dégâts que l’agriculture bio. La réponse cinglante de l’agronome Christophe Gatineau.

Épandage de pesticides sur des citronniers.
« Manger bio n’est pas forcément la meilleure solution… » Un article du Huffpost met le feu aux poudres.

Lettrine-le 10 juin dernier, le HuffPost a publié un article intitulé : « Manger bio n’est pas forcément la meilleure solution pour vous et la planète ». Ce qu’une telle affirmation sous-entend insidieusement, c’est que si manger bio n’est pas la meilleure solution pour la planète, les pesticides, eux, pourraient l’être.

Une violente polémique s’est emparée des réseaux sociaux dès la parution de l’article. Même Jacques Caplat, le célèbre agronome et secrétaire de la puissante ONG Agir pour l’environnement, a relayé les messages d’indignations sur Twitter. Pour éteindre l’incendie, le journal a décidé de modifier l’article en supprimant entre autres un passage qui faisait une équivalence entre le fait de travailler la terre et le fait de l’arroser de produits chimiques : « Il y a un ver dans la pomme, même bio : le labour détruit la biodiversité tout comme les pesticides. »

LES PESTICIDES TUENT

Mais voilà, l’article est toujours en ligne et il continue d’infuser l’idée dans le cerveau des décideurs et de l’opinion publique que « manger bio n’est pas la meilleure solution » et que ce serait à cause du labour !

Mais comment peut-on oser mettre sur le même plan le labour et les néonicotinoïdes ? Le but d’un insecticide est clairement défini : tuer les insectes et ceux qui s’en nourrissent ; tuer tous les invertébrés, dont les vers de terre, et ceux qui s’en nourrissent. Le but du labour est ailleurs, sans compter qu’il est quasi inoffensif pour les insectes et très peu offensif pour la biodiversité s’il est réalisé dans les règles de l’art.

Dans cet article insensé, les journalistes ont juste oublié de préciser que ce n’est pas le labour qui détruit la biodiversité, mais la manière dont aujourd’hui certains labourent. La nuance est considérable, et l’industrie des pesticides exploite le filon sans vergogne. D’ailleurs, sachant qu’on laboure les sols depuis plus de cinq mille ans, il y a bien longtemps que la biodiversité aurait dû disparaître. Or l’effondrement de la biodiversité commence bien avec la montée en puissance des pesticides et des engrais chimiques, et avec l’abandon de la fertilisation organique.

PARLONS-EN, DES ROTAVATORS !

Les journalistes du HuffPost ont également oublié de dire que la plupart du temps les agriculteurs qui ne labourent plus sont obligés d’utiliser des pesticides pour empoisonner les limaces et les mammifères végétariens, ainsi que du même coup ceux qui s’en nourrissent. Par conséquence, un renard ou un hibou, qui nourrit ses petits avec des souris empoisonnées, risque également d’empoisonner sa progéniture. Bref, il n’y a pas de solution idéale, toutes les agricultures, sans exception, ont un impact sur l’environnement.

L’agriculteur n’est pas plus responsable que vous et moi de cette situation, il ne fait qu’appliquer les directives du gouvernement : toujours produire plus, qu’importe l’impact environnemental, la compétitivité prime. Et tout le monde préfère regarder ailleurs. Et enfin, j’ajouterai qu’il y a tellement pire que la charrue, comme les rotavators et autres herses rotatives. Même les faucheuses rotatives, même les gyrobroyeurs posent un problème car leur vitesse de travail ont considérablement augmenté et laissent peu de chance aux animaux de s’enfuir. Mais ça, on n’en parle jamais.

En conclusion, quand un site d’information comme le HuffPost reprend sans mesure le discours des vendeurs de pesticides, cela ne passe pas ! Rappelons seulement que dans un système agroécologique et biologique, ce sont les habitants du sol qui fabriquent la nourriture pour les plantes que nous mangeons. Alors qu’en agriculture conventionnelle, labourée ou pas, c’est la chimie de synthèse qui les nourrit.

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À propos de l'auteur
Membre de l’association des Journalistes-écrivains pour la nature et l’écologie, je suis cultivateur et agronome spécialiste des vers de terre et des agricultures dites innovantes (permaculture et agroécologie), auteur du blog Le Jardin Vivant et de livres dont Éloge du ver de terre, Éloge de (parus chez Flammarion), Sauver le ver de terre (2020) et Nourrir les vers de terre pour nourrir les Hommes (à paraitre).
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