Si la majorité présidentielle peut se targuer d’une réussite, au lendemain du premier tour des régionales, c’est bien d’avoir fait croire aux Français que voter ne sert plus à rien.
imanche, lors du premier tour des régionales et départementales, deux électeurs sur trois ne sont pas allés voter. C’est la plus forte abstention jamais enregistrée, en dehors des référendums. Et l’on peut dire que l’actuel gouvernement, qui redoutait de se prendre une raclée en raison de son manque d’implantation locale, a tout fait pour obtenir ce résultat inquiétant pour la santé de notre démocratie.
LA GRANDE EMBROUILLE
D’une part en multipliant les embrouilles logistiques. Sans raison et au dernier moment, le Premier ministre, Jean Castex, a repoussé d’une semaine la date des scrutins, pour les caler au plus près des vacances d’été, alors que le covid avait déjà bousculé le calendrier (ces élections se déroulent traditionnellement au printemps). De son côté, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a confié l’acheminement de la moitié des professions de foi à la société Adrexo, ce qui a causé de graves problèmes de distribution et privé de nombreux citoyens de l’information minimale qui leur est due. Un bon nombre d’abstentionnistes interrogés par les médias au lendemain du premier tour l’étaient d’ailleurs « malgré eux » : ils n’étaient « pas au courant qu’il y avait un vote ».
Sans compter que les élections régionales sont des élections relativement récentes dans l’histoire de notre pays, qu’elles ont été réformées en 2015 d’une manière assez brouillonne par François Hollande, et qu’elles étaient couplées à des départementales* qui remplaçaient, dans une grande confusion également, les anciennes élections cantonales. Bref, à part les constitutionnalistes, les politiciens dont c’est le métier et les journalistes spécialisés, plus personne ne comprend rien à ces élections territoriales.
ÉLECTEURS PAUMÉS
Ensuite, Emmanuel Macron en personne, dont la cote de popularité est au plus haut et qui a le don, comme son mentor Nicolas Sarkozy, de dicter l’agenda médiatique en agitant des baudruches tous les quatre matins : le Grenelle de ceci, les États généraux de cela, etc., a poursuivi son œuvre d’illusionniste au sujet de la Révolution [le titre de son livre programmatique, N.D.R.] qu’il incarnerait et au nom de laquelle il s’est fait élire. Avec lui, il n’y avait plus ni droite ni gauche, mais un pays En marche, avec un « projet » : la France 2.0, une startup nation drivée par des premiers de cordée milliardaires. Et en face une seule adversaire : l’épouvantail Marine Le Pen.
Ces deux-là se sont bien trouvés pour répéter aux Français qu’il n’y a plus ni droite ni gauche. Ils essayent de profiter un maximum du fait que, la crise climatique planétaire ayant redistribué les cartes entre – en gros – adeptes de la poursuite du productivisme et partisans d’un ralentissement collectif, plein d’électeurs sont paumés idéologiquement. L’abstention record de dimanche pourrait cependant montrer que la tentative de remplacer les débats politiques qui structurent la démocratie par de l’invective et les programmes par des tweets a des limites et produit même un effet boomerang.
2 réponses
Emmanuelle,
Vu du fin fond de ma cambrousse, je ne partage pas tout à fait ton point de vue,
Déjà, les 10 millions d’exclus qui vivent en dessous du seuil de pauvreté en France, quel intérêt avaient-ils à se déplacer, puisqu’ils sont totalement transparents aux yeux des politiques ?
Ensuite, pour ces élections, bien malin celle ou celui qui a pu décerner une différence entre les programmes. Tout au moins en Nouvelle Aquitaine.
Ensuite, Hollande avait décidé de mettre en l’air les régions. Il l’a fait, voilà où nous en sommes. Ma région est 3 fois plus grande qu’un pays comme la Belgique, et pour le pouvoir bordelais, nous sommes si loin… Trop loin. Le Limousin a tout perdu, et je ne suis pas un régionaliste.
Ensuite, quand tu vas à la mairie pour X problème, on te dit que ce n’est pas de leur ressort, qu’il faut t’adresser à la com com. Puis on te renvoie au département, puis à la région, et enfin enfin, tu t’entends dire que c’est la faute de l’Europe.
À l’inverse, quand tu connais quelqu’un dans tout ce système, et ben y’a plus de problèmes. C’est ça qui me pose problème.
Belle journée.
PS. Avant cette élection, j’ai interrogé beaucoup de candidats sur leur politique en matière de développement agricole, et en particulier sur la méthanisation agricole. Sachant que l’impact de la méthanisation est considérable sur le tissu rural, qu’elle va amplifier son appauvrissement tout en accélérant l’industrialisation des sols, leur réponse n’était pas anodine. 100 % ont refusé de me répondre ou bien de jeter le bébé avec l’eau du bain.
PS. Bilan, pourquoi aurais-je été voté pour des gens aussi méprisants pour la planète et l’avenir de nos enfants ?
Salut Christophe, je comprends ce que tu dis, mais de mon côté cela fait longtemps que je ne vote pas pour mes idées (il faudrait que je me présente aux élections car je trouve toujours les programmes trop mollassons) mais pour éliminer ceux qui en sont le plus loin et essayer, en gros, de limiter les dégâts. En Aquitaine Rousset me semble quand même une grosse catastrophe, et en plus il est là depuis si longtemps que j’aurais été contente de voir des gens plus frais et moins productivistes prendre sa place. Sur la méthanisation tu as raison d’avoir posé la question, je pense que le débat démocratique sur ceette technologie doit absolument avoir lieu 😉
Bonne journée à toi aussi, à très bientôt.