Dans Le génie du sol vivant, deux écrivains naturalistes donnent des recettes pour obtenir en quelques années et sans pesticides un potager facile d’entretien.
Le genre
Essai.
Le pitch
Dans cet essai destiné autant aux jardiniers amateurs qu’aux cultivateurs en transition, on en apprend de belles sur la nocivité du système agricole industriel, mais surtout on découvre comment pourrait fonctionner un système vivrier plus respectueux de la planète et du vivant.
Les auteurs
• Bernard Bertrand est écrivain. Auteur de plusieurs livres sur la nature, il milite pour dénoncer les dérives de l’agriculture industrielle et transmettre les usages traditionnels des plantes et la sauvegarde des écosystèmes ruraux.
• Collectionneur de légumes anciens, Victor Renaud est un pionnier en matière de jardinage biologique. Membre de l’Association des écrivains et artistes paysans, il promeut des méthodes respectueuses de la planète dans chacun de ses ouvrages.
Mon humble avis
Le ton virulent à l’égard de l’agriculture conventionnelle et les exemples personnels peuvent laisser penser, à tort, que le propos de ce livre n’est pas sérieux. Or, les auteurs, bibliographie en fin d’ouvrage à l’appui, se sont scrupuleusement documentés, et ont des savoirs passionnants à transmettre. Ils dévoilent, notamment, comment concevoir en plusieurs années un potager prodigue qui demandera le moins d’entretien possible.
Désormais, chez Bernard Bertrand, on n’arrose pas (ou très peu), et le sol fait pousser des légumes en abondance toute l’année ! Il explique sa technique avec des photos très parlantes : on voit par exemple deux plants de courgette. L’un est au soleil, l’autre à l’ombre, les deux sans arrosage… Eh bien celui au soleil a des feuilles épanouies, tandis que celui à l’ombre meurt de soif ! Pourquoi ? Parce que le premier dispose à ses pieds d’une épaisse couche de paillage et pousse dans un sol bien drainé, ce qui lui permet de résister beaucoup mieux à la sécheresse, même avec le soleil sur lui.
Une phrase du livre
« Tourner le dos aux idées reçues et aux archaïsmes inculqués dès notre plus jeune âge n’est pas si facile, surtout lorsque l’on baigne dans une culture de la productivité à tout prix ! »
Un extrait du livre
« Une dalle de granit (naturelle) ou de béton laissée à l’abandon se recouvre en quelques mois de mousses et de lichens, puis d’un manteau végétal… Confions la même surface à un agriculteur avec tout son arsenal productif et revenons quelques années plus tard, parions qu’il aura bien du mal à y faire pousser quoi que ce soit ! Et ce ne sont ni les murs végétaux artificiels, ni la culture hydroponique qui pourront contredire ce fait, en effet, ceux-ci sont réalisés dans de telles débauches énergétiques qu’ils ne peuvent être considérés que comme des anecdotes technologiques. Rageant, non ?
Alors, sommes-nous aveugles ou idiots ? Comment ne pas voir que les forces vitales qui s’expriment autour de nous, si tant est qu’on leur en laisse la possibilité, sont le fait de phénomènes biologiques invisibles certes, mais ô combien plus efficaces que toutes nos pseudo-sciences réunies ! Des ferments biologiques ou levain de micro-organismes sont à l’origine de cette reconquête de la vie.
Malgré ces troublantes constatations, à la portée de tous, il est toujours politiquement très incorrect de dénoncer le caractère rétrograde et suicidaire de cette agriculture dite moderne, qui nie l’infiniment petit, nous apprend à le craindre et à le détruire sans vergogne…
Nous devons revisiter nos rapports au sol nourricier. Si nous ne le faisons pas, nous conserverons des modes de production dégradants, non durables dans le temps. C’est à cette conscience nouvelle du rôle global de l’agro-écosystème que nous devrons ou non les progrès agronomiques et agrologiques à venir. Dans le cas contraire, l’avenir de la planète passera inéluctablement par la disparition de l’agriculture ! Qu’adviendra-t-il alors des sociétés humaines ?
Une révolution aggradante [« régénérante », N.D.L.R.] de nos techniques, copiant le modèle forestier, peut aller à l’encontre de ce processus de dégradation. L’aggradation, en ménageant et en recréant les couches fertiles du sol, permet d’envisager de manière durable, et ce n’est pas un vain mot, la productivité de matières consommables par l’homme. Oui, l’espoir est de mise, si l’on admet que les sols naturels, biologiquement vivants, portent en eux la capacité à s’autorégénérer sans cesse. »
Le génie du sol vivant – Ferments d’une révolution agronomique, Bernard Bertrand et Victor Renaud, préface de Gilles Clément. Éditions Terran, 2010, 264 pages.