Face à la crise du logement, des artistes ouvrent des squats : le Post (Paris 9e), puis le Jardin Denfert (Paris 14e) où une certaine Marguerite Stern, ex-Femen, fait souffler un vent de révolte féministe.
Le feuilleton Nos nuits au Post est raconté ici par Gaspard Delanoë, figure historique des squats d’artistes parisiens, ouvreur d’immeubles vides dont le célèbre 59 Rivoli, conventionné avec la Ville de Paris. Dans le précédent épisode, il racontait la ruée d’innombrables artistes vers le Jardin Denfert (un ancien couvent abandonné) et l’apparition « d’une fille aux cheveux bleus, à la peau cuivrée et à l’énergie débordante qui allait bouleverser le monde » : Marguerite Stern.
n effet, très vite, prenant la mesure du bâtiment, et notamment des immenses espaces qui se trouvaient sous les toits, au 4e étage, Marguerite Stern décida de mettre en place une action qu’elle avait en tête depuis déjà un moment.
Il s’agissait de mobiliser des jeunes femmes autour d’une revendication : agir pour que les féminicides cessent. Comment ? Par le biais d’une campagne d’affichage sauvage, réalisée chaque nuit, sur les murs de Paris.
BAGNOLES DE FLICS
Le vendredi 30 août, Marguerite Stern et une dizaine d’activistes, après avoir passé trois jours à préparer les messages, tous écrits sur des feuilles A4, (une lettre par feuille), organisèrent une première session de collage. Au jour du 30 août, le nombre de féminicides dans l’année dépassait déjà les 90. Deux journalistes avaient été contactées, dont une de Télérama.
La session se passa bien. Les filles collèrent partout dans Paris, y compris sur l’immense lion au milieu du carrefour de Denfert-Rochereau. Le cœur battant chaque fois qu’une bagnole de flics les surprenait en train de poser illégalement des messages sur les murs de Paris, Marguerite et ses sœurs ne fuyaient pas. Elles tenaient le regard, déclinaient leur identité et se laissaient verbaliser. Les flics, insistèrent-elles plus tard dans la presse, étaient beaucoup plus rapides pour mettre des amendes à des jeunes militantes que pour prendre une plainte en considération ou pour venir au secours des femmes en danger de mort. Cruelle réalité.
Le mouvement s’enflamma en quelques jours.
Nous, qui vivions au Jardin Denfert, vîmes débarquer chaque jour des dizaines et des dizaines de jeunes femmes qui demandaient à venir coller, à venir préparer, à venir militer, et nous sentîmes qu’une vague était en train de se lever. Des femmes organisèrent des sessions dans quarante villes de France. Des articles parurent dans le Washington Post, en Espagne, au Brésil, en Allemagne – Frankfurter Allgemeine Zeitung –, jusqu’au moment où Marguerite cessa de tenir le compte, débordée par l’enthousiasme de ses nouvelles amies qui avaient répondu avec tant de ferveur à son bras tendu, à son cri de détresse et d’amour.
UN BOUCLIER
Le Jardin Denfert fut mentionné dans des dizaines de papiers, par la grâce de l’action de Marguerite Stern, et bientôt cette couverture médiatique décupla la légitimité du squat et agît comme un bouclier protecteur pour le collectif.
Ainsi entrâmes-nous dans l’automne, le cœur vaillant et l’espoir chevillé au corps.
> À (re)lire : les autres épisodes de la série Squat story.
Une réponse
à chaque nouvel épisode, j’attends la suite avec une impatience grandissante.