Dans ce manuel de permaculture sur la « forêt comestible », le jardinier Damien Dekarz nous explique comment s’inspirer des arbres permet de transformer un terrain mort en zone fertile.
Le genre
Manuel.
Le pitch
Malgré son titre, ce livre ne s’adresse pas qu’aux heureux propriétaires d’un domaine forestier ! Il est destiné à tous ceux qui, pour cultiver le sol, ont envie de s’inspirer de la nature, la seule à vraiment savoir faire pousser les plantes. Et l’on peut mettre en pratique ces principes aussi bien sur un terrain en pleine campagne que dans une jardinière de fenêtre.
L’auteur
Damien Dekarz est un jardinier aguerri, qui a fait fi des recommandations pessimistes et s’est lancé dans la permaculture, fort de l’observation méticuleuse de la nature. Auteur d’un blog et d’une chaîne Youtube, il a déjà publié La permaculture au jardin mois par mois et n’arrête pas les expérimentations, souvent couronnées de succès.
Mon humble avis
Avec sa présentation claire, ses paragraphes courts et précis, ses superbes illustrations et ses schémas efficaces, ce guide permet d’aborder en toute simplicité un aspect inédit de la culture vivrière. Damien Dekarz fait en effet pousser ses fruits et légumes à l’opposé du potager conventionnel et obtient visiblement des récoltes amplement suffisantes pour son alimentation.
Observateur de la nature avant tout, il préfère passer du temps à regarder comment elle travaille plutôt que de s’opposer à elle. Pour prouver le bien-fondé de sa démarche, il présente en introduction ses différents jardins. Ayant acquis un premier terrain en 2009, et souhaitant y produire des légumes tout en favorisant la biodiversité, il pensait avoir fort à faire sur ce sol presque mort dans une région où il pleut rarement. D’ailleurs, les visiteurs lui assuraient que sans engrais, sans labour ni pesticides, rien n’y pousserait. Mais les faits lui ont donné raison.
LE RÔLE DES ARBRES DANS LES ÉCOSYSTÈMES
En se documentant sur le fonctionnement du sol et en expérimentant le modèle des forêts, il a fini par rendre le terrain fertile. L’humus s’accumule au pied des arbres ? Il en a mis pour élaborer son jardin vivrier, et aujourd’hui le jardin est totalement autonome. Point besoin d’intrants, ni même d’arrosage : la vie s’autorégule, et les fruits poussent en abondance.
Alors pourquoi ne s’inspire-t-on pas davantage de la forêt ? Pour des raisons culturelles principalement, habitués que nous sommes à considérer que les légumes doivent pousser sur des étendues de terre nue et que les « friches » sont des éléments à combattre. Passionné par les arbres, Damien Dekarz nous explique ici les grands principes de leur culture, leur rôle dans les écosystèmes, et la place qu’ils jouent dans les associations vivrières. Il interroge la manière dont on les taille et indique que personnellement il préfère ne pas le faire, pour ne pas contraindre leur existence.
Il nous incite à semer les noyaux et les pépins un peu partout, pour favoriser la biodiversité, disséminer les plants, et redonner aux arbres toute leur place. Ce livre est surtout intéressant parce qu’il permet de penser « écosystème » et de ne pas envisager une culture déconnectée de son environnement, du sol, de son exposition, des vents, et de renouer avec le temps long et la pérennité de nos actions.
Une phrase du livre
« Une simple jardinière peut ressembler à une mini forêt comestible : mettez un romarin en guise de canopée, à son sud en plein soleil un petit thym, à son nord légèrement à l’ombre une menthe ; quelques haricots pour fixer l’azote atmosphérique et le tour est joué. »
Un extrait du livre
« Dans le monde agricole, il est courant d’imaginer que les végétaux poussent en épuisant les ressources présentes dans le sol. Cette vision rend nécessaire l’utilisation des engrais pour produire. D’ailleurs, dans les sols labourés, sans vie et toujours nus, c’est relativement vrai. Pourtant, il suffit de laisser n’importe quelle terre agricole (aussi épuisée soit-elle) au repos pour constater que les végétaux y pousseront rapidement. En quelques années, une friche sera présente et la terre sera redevenue fertile sans aucun apport d’engrais. Dans les forêts poussent naturellement de nombreux végétaux, dont d’immenses arbres. De plus, la fertilité augmente en permanence sans besoin d’intrant.
Concrètement, en France, notre agriculture a choisi les terres les plus accessibles et fertiles pour produire l’alimentation. Des années plus tard, après avoir déversé des tonnes d’engrais, après avoir labouré et réalisé de nombreux arrosages, ces terres sont souvent devenues mortes, compactes et extrêmement sensibles aux aléas climatiques.
Dans le même temps, nous avons abandonné à la nature les terres les plus inaccessibles et les plus ingrates. Pourtant, ces terres se sont spontanément couvertes de forêts. Elles ont maintenant des sols riches d’un humus fertile et sont relativement résistantes face aux problèmes climatiques. Ce sont les plantes qui créent le sol, et moins l’inverse. Il paraît donc logique de s’inspirer du modèle naturel, qui a fait ses preuves, pour gérer la fertilité de la forêt comestible. »
La forêt comestible, pour des récoltes abondantes en toute saison, Damien Dekarz, Éditions Terran, 2020, 192 pages.