En Bosnie, les enfants de la guerre font du break dance

Vingt ans après les accords de paix de Dayton, des jeunes croates et bosniaques dansent ensemble dans les rues de Mostar. Un reportage du photojournaliste Laurent Hazgui.

capture d'écran de Google Maps
Google Maps (capture d’écran)

À Mostar, 120 000 habitants, une ville où, vingt ans après la guerre, les communautés serbe, croate et bosniaque sont encore divisées, le Crew B-Dance regroupe une jeunesse multiethnique. Ses membres ont entre 15 et 28 ans. Ils participent à des compétitions comme le festival Shotgun, le plus grand évènement hip-hop de Bosnie-Herzégovine. La culture rap s’est emparée du pays après la guerre, il y a vingt ans, et l’on trouve sa trace sur les murs de la ville, dans la façon de s’habiller, à la radio…

La guerre de Bosnie-Herzégovine fit plus de 2000 tués et 26 000 déplacés à Mostar. Il y eut dans tout le pays plus de 100 000 victimes, dont deux tiers de Bosniaques. Le conflit démarra le 6 avril 1992 par une attaque de l’armée serbe, après la déclaration d’indépendance de la Bosnie-Herzégovine. Il s’acheva par les accords de paix de Dayton, signés le 14 décembre 1995 à Paris.

LES BOSNIE BOYS

« Il y a un lien pour nous entre la pratique du break dance et le passé récent de Mostar, au regard des histoires difficiles que nous avons vécues et du réalisme que véhicule cette culture », raconte Toni Cvitanovic, 17 ans, lycéen croate et membre du Crew B-Dance. « Le hip-hop est une manière de vivre et un exutoire. Cela m’a permis de découvrir ma personnalité.» Avec ses amis, ils écoutent les grands rappeurs américains (Eminem, Wu-Tang Clan, Drake…) et le Bosnien Frenkie.

Photo : Laurent Hazgui
Les break dancers du studio B-Dance à Mostar (Bosnie). Photo: Laurent Hazgui
Photo : Laurent Hazgui
Au centre, avec les baskets rouge, Mohammed Mahdi, exilé irakien, qui a rejoint le Crew.

Photo : Laurent HazguiPhoto: Laurent HazguiLe Crew B-Dance accueille en son sein un invité spécial : Mohammed Mahdi, exilé irakien ayant fui avec sa famille Bagdad et ses attaques de milices. Après avoir découvert le break dancing dans les rues du Caire (Égypte), il étudie à l’United World College, le lycée international de Mostar. « Spyder » est le blase (pseudonyme dans le milieu hip-hop) qui lui a été attribué en raison de sa souplesse et de ses figures acrobatiques. Dans le Crew, chacun a son blase et son style.

Photo: Laurent Hazgui
Mohammed « Spyder » Mahdi
Photo : Laurent Hazgui
Boris « Be Zoo » Zovko est le gérant de l’école de danse Plesni studio B-Dance
Photo : Laurent Hazgui
Sandi « Djikejcina » Elezovic
Photo: Laurent Hazgui
Toni « Baya » Cvitanovik
Photo : Laurent Hazgui
Tin « Graly » Cvitkovic
Zoran "Zumm" Nikolic
Zoran « Zumm » Nikolic

À Mostar aujourd’hui, comme à Paris ou à New York en son temps, le break dance agrège toutes les communautés.

Voici, en bonus, un portrait de Sidney, qui dans les années 1980, fit découvrir cette culture aux Français via son émission H.I.P. H.O.P. à la télévision.


80’s : Sydney, roi du hip hop par ina

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À propos de l'auteur
Photojournaliste et journaliste-rédacteur diffusé par Divergence, je travaille depuis 2004 sur des sujets sociaux-politiques en France et à l’étranger.
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3 réponses

  1. Dommage d’utiliser les termes sans leur donner de sens. Que signifie « communautés » par exemple ? Vous parlez d’ethnies ce qui est abus de langage, largement utilisé dans la presse de l’ouest. C’est une reprise des discours nationalistes qui ont voulu créer des limites entre des populations vivant ensemble. Vous dîtes par exemple que Toni est Croate ce qui est réducteur. Le terme bosniaque à l’origine signifie habitants de Bosnie (comprenant des personnes issues des peuples serbe, croate ou bosniaque musulman ; les Musulmans étant d’ailleurs des Serbes ou des Croates islamisés aux XV et XVI siècles). Aujourd’hui ceux qui militent pour une unité dans la diversité utilisent le terme bosnien. Nombre de familles appartiennent à plusieurs « groupes » en même temps. Comme le montre votre article les cultures sont perméables -ici le hip hop. Etre d’une famille d’origine catholique ou orthodoxe ou juive ou musulmane, souvent peu ou pas pratiquante, ne fait pas appartenir à une communauté, ni en Bosnie-Herzégovine, ni en France. Ces terminologies clivantes ont conduit à la guerre et à des crimes contre l’humanité dans l’ancienne Yougoslavie, il serait temps de faire attention à la langue qu’on parle, celle de l’extrême droite et des identitarismes ou celle d’une pensée nuancée et vivante.

    1. Merci Yvan pour ces précisions intéressantes, sachez en tout cas que l’auteur de l’article, comme chacun ici à la rédaction, n’a pas du tout l’intention de cliver, au contraire 😉

  2. Bonsoir Yvan, Ce que vous expliquez est exactement ce que j’ai tenté de démontrer dans mon travail – dont ici vous ne voyez juste qu’un extrait -, à savoir que parmi la jeunesse de Mostar, des jeunes veulent construire des ponts au-dessus des nationalismes encore très fort dans le pays. C’est volontairement que je mentionne l’origine de Toni pour démontrer que les communautés se mélangent justement. Ce mot de « communauté » est utilisé par les mostariens que j’ai rencontré et qui œuvrent pour ce rapprochement, je ne l’ai pas inventé, ce n’est pas un abus de langage. Les deux mots utilisés en Bosnie-Herzégovine sont « communauté  » ou « peuple constitutif ». Quand à l’origine de Toni, c’est lui qui m’a dit croate et pas Bosnien. Sur les 12 jeunes que j’ai suivi, une seule m’a dit être « Bosnienne » et j’ai repris tel quel ses propos pour raconter effectivement de courant de pensée – une minorité – qui l’utilise. Je suis journaliste de terrain, pas militant. Je vous signale que j’ai pu réaliser ce travail grâce à des personnes qui, justement, sont aussi agacés que vous par les articles que l’on peut lire en France et qui épousent les thèses nationalistes de division. Le résultat de ce travail via plusieurs publications dans la presse française et finlandais a été adoubé par ces mêmes personnes. Je réfute donc votre procès d’intention. Cordialement. Laurent Hazgui

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