À quelques jours de l’accouchement, les cernes de Super maman, déjà mère de deux petits bouts de chou, deviennent les marques majestueuses d’une vie à fond les ballons.
ous y sommes presque. La dernière ligne droite. Je ne peux plus m’échapper, acculée par l’arrivée imminente du petit bout qui grandit dans mon ventre. Trente-huit semaines et des poussières. Presque neuf mois dans le brouillard, parsemés d’éclaircies. Dans quelques jours nous basculerons dans la catégorie famille nombreuse, pouvoir voyager avec des réducs et se payer des musées (enfin ouverts !) tarif réduit. Cette semaine mes cernes sont noires et ne s’effacent pas au lavage.
D’après mon chéri, c’est ça la vraie marque du temps qui passe. Pas les rides ni les cheveux blancs, mais ces petits sillons bleu nuit qui se creusent et laissent supposer (chez moi) une bavure de mascara. Avant, parfois, j’accentuais volontairement la cambrure de mes yeux avec du fard foncé, histoire de me faire plaindre ou d’appuyer un gros mensonge (suis malade comme un chien, peux pas venir travailler, t’as vu ma tête ?!). Maintenant plus besoin de faire semblant, elles sont bien là, mes camarades de croisière et je les aime. Surtout quand petite hirondelle me demande si je lui ai piqué ses feutres pour « colorier » sous mes yeux. Non ma chérie, c’est du 100 % naturel, par contre à ce que je vois, toi tu t’es bien amusée avec tes crayons sur la tapisserie de l’entrée.
SANS FILTRE INSTAGRAM…
En tant que femme minimale, je ne me vois pas avoir recours au maquillage pour les cacher, je préfère apprendre à arborer mes cernes avec fierté. C’est un peu ma bagarre à moi : sans filtre Instagram ni tuto cache-misère, laissons le temps courir sur nos peaux et la fatigue labourer nos visages comme autant de peintures de guerre. Je trouve ça beau, une femme ou un homme aux yeux cernés, aux rides creusées, aux racines grises, aux veines saillantes. Je trouve ça vrai, pas comme les portraits lisses et organisés des parents influenceurs ou des familles nombreuses témoins sur TF1. Eux ils sont dangereux à nous faire croire qu’avoir trois enfants ou plus c’est une partie de plaisir collectif, en mode équipe de foot ou séminaire groupal de découverte de soi.
Bébé n’est pas encore arrivé mais nous sommes déjà en pilote automatique. Pour la première fois depuis des mois (des années ?) j’ai quand même trouvé la force de m’offrir un moment pour moi : un cours de yoga prénatal et une après-midi avec un cercle de femmes enceintes. Un quoi ? Un « cercle de femmes », comme il en fleurit partout en France et comme il en existe depuis des millénaires au Mexique. Un moment de réunion et de transmission, ici autour d’une doula (une accompagnatrice à la naissance) et une professeure de yoga thérapeute, où chacune partage ses expériences et libère sa parole.
…ET SANS PEUR D’ÊTRE JUGÉE
Question reconnexion, j’y ai trouvé mon compte. J’y ai fait la paix avec mes précédents accouchements, enfin compris les étapes de l’enfantement (pas mal au bout de trois) et entendu des témoignages intimes qui font relativiser. J’y ai trouvé de l’écoute et de la bienveillance, cette formule magique qui caresse et apaise. Accepter de se rendre vulnérable et s’exposer, s’octroyer le droit de se livrer sans peur d’être jugée, déposer les armes un instant. Lâcher prise en somme. C’est le moindre mal qu’on peut me souhaiter à l’aube du grand saut vers notre nouvelle vie à cinq.