Les anti-corrida ne sont pas les bienvenus dans la capitale des Landes. Leur manif de « bobos-intellos-urbains » était menacée d’interdiction par la préfecture.
Près d’une centaine de taureaux seront mis à mort dans les arènes de Mont-de-Marsan (Landes) à l’occasion des fêtes de la Madeleine, du 20 au 24 juillet 2016. Une manifestation unitaire contre ces spectacles sanglants devait être organisée samedi 23 juillet, à l’appel du Comité radicalement anti-corrida (Crac Europe) et de la Flac (Fédération des Luttes pour l’Abolition des Corridas), avec en tête de cortège le chanteur Renaud et l’ancienne ministre Rama Yade. Mais la mairie et la préfecture ne voient pas ce défilé pacifique d’un bon œil.
La préfecture veut limiter la manifestation
À l’heure où nous mettions cet article en ligne, Roger Lahana, vice-président du Crac Europe, nous indiquait avoir dû lancer jeudi 21 juillet une attaque en référé contre la préfecture des Landes qui refusait de valider le parcours de la manifestation. « On ne voit pas en quoi l’état d’urgence, y compris dans le contexte du terrible attentat de Nice, serait opposable à ce rassemblement, alors qu’au même moment et dans la même ville, environ 600 000 personnes vont festoyer dans les rues pendant plusieurs jours avec une totale liberté de mouvement. »
Effectivement, si c’est une question de respect de l’état d’urgence et de fatigue de la police, ne seraient-ce pas plutôt les fêtes morbides et leurs inévitables débordements que la préfecture devrait chercher à limiter ?
[Dernière minute, ajout le 22 juillet à 19h45 : le tribunal administratif de Pau saisi en référé a validé les restrictions de trajet et de durée de la manifestation anti-corrida exigées par le préfet.]
La maire ne veut pas qu’on touche à son fonds de commerce
Présidente de l’Union des villes taurines françaises, Geneviève Darrieussecq (MoDem), maire de Mont-de-Marsan, s’est lâchée dans Le Parisien puis sur Twitter au sujet de la venue de Rama Yade et des défenseurs de la cause animale : « Il y en a marre des bobos-intellos-urbains qui n’arrêtent pas de taper sur nos traditions, sur la chasse, la pêche et même la course landaise. Qu’ils nous fichent la paix. »
Geneviève Darrieussecq ne tient pas, en effet, à ce que l’on conteste la légitimité de ces fêtes de la Madeleine au cours desquelles elle vit chaque année son heure de gloire, acclamée un peu partout dans la ville par les aficionados.
La municipalité ne lésine pas sur la dépense pour assurer le succès des spectacles : elle a acheté les taureaux de 2016 pour la modique somme de 400 000 euros. C’est la commune, également, qui rémunère la « prestation artistique » des toreros : près de 800 000 euros, comme le révèle le document que nous publions ci-dessous.
Mais là où une édile comme Geneviève Darrieussecq voit une « prestation artistique », le code pénal voit un délit. Celui-ci est encore exempté de peine dans une douzaine de départements du sud de la France, au nom de la « tradition ». Pour combien de temps ?
Sur la page Facebook de Mont-de-Marsan, des citoyens écœurés postaient ces derniers jours des commentaires très négatifs sur la ville, tandis que sur Twitter, de nombreux utilisateurs du hashtag #MontDeMarsan faisaient eux aussi une bien mauvaise publicité à la capitale des Landes.
Lien utile : La page Facebook de la manifestation anti-corrida
20 réponses
J’ai apprécié votre article, il est bien documenté et il expose avec justesse nos arguments contre la corrida. Non, Madame, les opposants à cette barbarie ne sont pas des intellos-bobos-urbains qui ignorent tout des animaux et les idéalisent. Je suis montoise, mon père était né à Grenade-sur-Adour, ma mère était d’une très ancienne famille d’ici, comment pouvez-vous vous permettre de parler au nom des Landais? J’en connais beaucoup qui détestent ces soi-disants « spectacles », mais ici ce sujet est tellement tabou qu’ils n’osent rien dire! Cette grande manifestation, hélas cantonnée à une zone très réduite, vous fera peut-être comprendre que le monde extèrieur, civilisé, existe, et qu’un jour, prochain j’espère, cette bulle de non-droit, de sauvagerie, de défoulement des instincts les plus primaires qu’est la corrida, éclatera!
Bonjour Françoise, merci pour ce témoignage sur place qui montre une réalité bien plus complexe que ne voudrait le faire croire madame la maire.
Merci pour votre réponse que j’approuve. Je n’aurais pas su mieux dire. Je ne suis pas montoise, je n’aime pas la corrida, et ça fait beaucoup sur une seule personne qui ose dire qu’elle n’aime pas cette barbarie. Merci à Renaud.
Je ne suis ni bobo, ni intello, ni urbaine, je suis anti-corrida parce qu’elle est pour moi incompatible avec la dignité humaine. J’ai de la compassion pour les taureaux et je méprise ceux qui sont incapables de se mettrent à la place de « celui qui souffre »! Qui souffre pourquoi? Pour distraire une foule avide de cruauté, faire l’expérience d’une émotion à travers la torture me semble impensable, la corrida est un anachronisme.
Bonjour Chantal, je suis bien d’accord avec votre analyse !
Si l’argument de la tradition doit être respecté, alors hourra pour l’excision, les mariages forcés de petites filles, la lapidation des femmes infidèles, etc. La culture est justement faite pour lutter contre ce genre de procédés. Une bobo intello urbaine, mais au moins sensée et sensible.
Bien vu Greta, si c’est une question de conservation des traditions ancestrales, rajoutons aussi les sacrifices humains et le cannibalisme, qui n’auraient jamais dû disparaitre.
C’est dommage, il n’y a plus de spectacle de sœurs siamoises, de nains, de femmes à barbe, perso je suis une bobo intello donc je n’aime pas ça mais les autres, ils se régalaient avant, pourquoi ne pas réintroduire ces spectacles ainsi que les exécutions publiques, les bûchers à sorcières, un petit effort Madame La Maire.
Bien vu, ceux qui pratiquent l’excision ou la lapidation sont eux aussi sans doute convaincus de leur bien-fondé et pourraient comme c’est le cas pour la corrida rétorquer
que les autres ne comprennent rien à leurs traditions et pourquoi pas qu’il faudrait y avoir assisté pour se faire une opinion!.
Non, une tradition ne vaut rien en soi et certaines d’entre elles ne sont que l’opium des décérébrés.
Je suis plus fier d’être pris pour un bobo citadin que d’être comme cette lamentable détraquée de maire et ses abrutis d’aficionados qui sont à mettre dans le même sac que les fous de dieux qui nous pourrissent la vie.
C’est sûr Miguel 😉
Allez, on prend des forces, il faut être en forme cet après-midi, j’espère qu’on sera nombreux! Bises à tous, merci de cet article Mme Veil.
🙂
Ben oui, Madame Darieussecq, à 7 ans, je détestais déjà les corridas et toutes les atrocités faites sur les animaux, je devais sûrement être une bobo intello.
Ha ha ha
Les « amis des taureaux » militent directement pour leur extinction en agissant de la sorte.
Le toro de combat est herbivore mais peut tuer si l’on entre dans son espace.
Protéger la nature veut-il dire vouloir la réduire à l’image que l’on s’en fait? Vouloir ne pas voir la mort, suffit-il à la faire reculer?
La réalité est en effet bien plus complexe que l’on veut bien la faire croire…
Si la corrida peut choquer, ce que je peux comprendre car enfant c’était mon cas jusqu’à ce qu’elle me happe, elle est tout sauf une grande messe pour sadiques barbares et dégénérés… Où l’on exalte la vie, où l’on oublie et se rappelle qu’on est mortel, où l’on admire et glorifie le toro… paradoxe en apparence, mais je vous l’assure, profondément humaniste.
Mais il faut se donner la peine d’y regarder de près… En ces temps d’amalgames manichéens, les nuances ne sont pas trop de rigueur.
Qu’il faut pourtant s’appliquer, si l’on entend traiter une question sérieusement.
Bonjour Sophie, merci pour votre témoignage en tant qu’amatrice de corrida. Pouvez-vous m’expliquer ce point dans votre témoignage que je ne comprends pas: « les amis des taureaux militent pour leur extinction » ?
Après, sur la mort, il ne s’agit pas de cela, mais d’assassinat. Le taureau n’a pas donné son consentement pour ce combat et de plus il n’a pas sa chance. Avant de le pousser dans l’arène on lui scie les cornes, on le drogue, et s’il tue le torero, on le tue. C’est un spectacle artificiel qui n’a rien à voir avec la nature, mais qui est fait pour, comme le dit très bien Chantal Bassi dans son commentaire plus haut, « distraire une foule avide de cruauté, faire l’expérience d’une émotion à travers la torture ». C’est sans doute cela qui vous choquait enfant, puis vous avez été « happée ». Tout est une question de « point de vue ». Et l’humanisme dont vous parlez, c’est être capable de mon point de vue d’empathie pour tout être vivant doué de sensibilité. Et donc ne pas blesser, humilier ni tuer pour l’amusement ces êtres vivants.
Comprends pas qu’on puisse trouver du plaisir à voir un pantin torturer un animal.
Peut-être que beaucoup d’aficionados sont en réalité des froussards. Ils veulent donner l’impression, lorsqu’ils causent dans les salons, d’être des durs.
Hubert, je pense que vous touchez un point important chez les aficionados, celui de la socialisation. C’est une sorte de bizutage, « tu seras un homme/une femme » si tu peux jouir de ce spectacle.
Hubert, je pense même que ces gens là, des deux sexes, ont de sacrés problèmes hormonaux… Feraient mieux de se défouler autrement, hein, y a plein de manières de faire baisser son taux de testostérone… Et puis à les voir, à Mont-de-Marsan, je dirais que ce peuple grassouillet gagnerait beaucoup à courir, nager, marcher, faire du vélo, etc. plutôt que rester assis dans leurs arènes obscènes…