Étudiant en informatique, il crée une extension gratuite pour surfer sur le web sans se faire piéger

Le jeune Tim Krief met à disposition des internautes une extension gratuite dénommée « Minimal », qui permet de naviguer en évitant de cliquer sur tout et n’importe quoi.

Tim Krief
Tim Krief (capture d’écran d’une de ses vidéos).

Avez-vous déjà été aspiré par YouTube ? Moi, oui. C’était un mardi soir. Je regardais le dernier court-métrage d’un ami humoriste… et me voici trois heures plus tard à somnoler devant le décollage d’une fusée Space X. Tout ce que je voulais, c’était rire un peu devant une vidéo de trois minutes. Pas plonger dans un tunnel de fun (funnel) jusqu’à 23h30, affalé sur mon canapé, l’œil sec et la salive à la commissure des lèvres. Sortant de ma torpeur, je jurais, mais un peu tard, que l’on ne m’y reprendrait plus.

Lassé, comme moi, de se faire voler ses nuits par YouTube, Facebook ou Netflix, Tim Krief, un jeune français étudiant en informatique a développé Minimal : une extension libre et open source, pour Firefox et Chrome (1), qui neutralise les « effets tunnel » des sites web de YouTube, Facebook, Twitter, Google, Amazon…

RETIRER LES DISTRACTIONS VISUELLES

Une fois installée, l’extension libère votre écran des fonctionnalités addictives : les couleurs, images et éléments poussant au clic compulsif sont tout simplement effacés, comme les bloqueurs de pubs (adblockers) masquent les publicités.

Minimal vient ainsi compléter l’arsenal de programmes « anti-notifications » déjà disponibles, comme Demetricator (qui supprime les compteurs de likes sur les réseaux sociaux) et Clear This ou Mercury Reader qui retirent toutes les distractions visuelles des articles, pour ne laisser que le texte et les images [N.D.L.R. pour vous offrir, en somme, une lecture aussi zen que celle du journal minimal !].

Il n’est pas une appli – ou presque – qui ne fasse appel à ce que les geeks de la Silicon Valley nomment les dark patterns, ou design persuasif. « Un ensemble de pièges ‘captologiques’ : des boutons, formes, couleurs et images qui captent l’attention de l’utilisateur et l’orientent, malgré lui, vers d’autres services », m’explique Irénée Régnauld, cofondateur du Mouton numérique, un lieu de rencontres qui éclaire la société en ouvrant un espace de dialogue entre penseurs et faiseurs des univers numériques.

LES PIÈGES DU « DESIGN PERSUASIF »

On parle ici de l’infinite scroll sur Facebook, de l’autoplay sur YouTube, des stories Instagram et Snapchat, des recommandations sur Netflix ou Amazon et des métriques sur Twitter (nombre de likes, retweets…). Bref, tout ce qui favorise l’addiction, voire la compulsion et augmente le temps passé sur l’appli à regarder des contenus… et donc des publicités qui sont le cœur de « l’économie de l’attention » créé par les GAFAM [Google, Appel, Facebook, Amazon, Microsoft, N.D.L.R.].

Ces procédés de manipulation mentale sont désormais bien connus. Depuis 2014, Tristan Harris et James Williams, deux anciens cadres de Google, dénoncent ces « stratégies toxiques mises en place pour voler notre temps ».

Dès 2016, le sociologue du numérique Dominique Boullier pointait les signes d’un « réchauffement médiatique » responsable, selon lui, d’une nouvelle « crise attentionnelle ». Un phénomène régulièrement chroniqué par le journaliste du New York Times Kevin Roose, qui dénonce les méfaits psychologiques du design persuasif, où l’utilisateur « ne décroche plus, accroît son stress, sa fatigue et modifie son comportement ».

NI BUG NI RALENTISSEMENT

En janvier 2019, la CNIL a publié un rapport intitulé « La forme des choix », dans lequel elle s’interroge sur le pouvoir de « l’esthétique du numérique » et rejoint les analyses du collectif des designers éthiques qui conçoivent des services numériques responsables et durables : il faut agir !

Avec Minimal, Tim Krief est passé à l’action. Pour l’avoir testé sur Firefox et Chrome, je peux attester que le dispositif ne provoque ni bug, ni ralentissement de la navigation. Son seul défaut : ne pas encore être disponible sur les applis de smartphone. En attendant, l’étudiant – qui revendique chercher au quotidien le désencombrement et un mode de vie simple – a de quoi être fier : sa solution Minimal reste extrêmement efficace pour tous ceux qui souhaitent échapper à la société de consommation compulsive.

(1) Sur Chrome, Minimal est encore en phase de test.

Pour suivre les publications de mon journal préféré, je reçois la lettre minimale, chaque 1er jeudi du mois. Bonne nouvelle, c’est gratuit et sans engagement !

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À propos de l'auteur
Journaliste et juriste, je me passionne pour toutes les innovations et, surtout, les débats de société qu’elles soulèvent.
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