Épisode 3 : Vide ton sac à dos, je te dirai qui tu es

Tantôt fardeau détesté, tantôt maison chérie, mon sac à dos s’est avéré le miroir de mes peurs depuis notre départ il y a quinze mois. Passage en revue.

Photo : Camille Delbos
Photo : Camille Delbos

Avec mon compagnon, nous avons pris très au sérieux la préparation de nos sacs à dos. Inspirés par la pléthore de blogs sur le thème du voyage, nous avions avant notre départ en 2015 établi une liste précise d’affaires à emporter. De quoi s’habiller, dormir, se soigner, écrire… Nous partions sans destination fixée, mais avec une direction, l’Est, et l’envie d’être à l’aise à la ville comme à la montagne.

LE POIDS DE LA BROSSE À DENTS

En plein préparatifs, mon compagnon découvre la MUL, la Marche Ultra Légère. À mon tour, je pianote sur le Net et découvre toute une littérature – sites, blogs, forums – qui recense les équipements et astuces pour « partir léger ». Les conseils orientés randonnée s’adaptent plutôt bien à nos envies. Je m’amuse de voir chaque équipement passé au crible, listé en fonction de son poids « tapis de sol – 180 gr », etc. Jusqu’au moment où je tombe sur un internaute qui suggère de couper le manche de sa brosse à dents pour gagner quelques grammes. Là, c’est trop pour moi.

De ces lectures faites avec une pointe de condescendance, avouons-le, une idée me reste en tête. Celle que le poids – ce qui pèse dans notre sac – reflète nos peurs. Mais au moment de partir, elle ne fait pas encore tout à fait sens.

À la première pesée, le verdict est sans appel : 18kg. L’anti-MUL par excellence. J’embarque pourtant tout ce fourbi, en espérant que la route me permettra de faire le tri.

EXAMEN DE CONSCIENCE

Après quinze mois sur les routes, je ne peux que reconnaître avoir évolué sur la question. Ma brosse à dents a bien conservé son manche, mais pour le reste, j’ai appris à me « dépouiller », et surtout j’ai développé de nouveaux rites. À présent, à chaque nouvelle étape, je me livre à un inventaire drastique du contenu de mon barda. Un examen de conscience sur la question de l’utilité, suivi d’équations volumétrie x poids qu’il me faut résoudre.

Sur le contenu même du sac, une distinction progressive s’est faite entre « envie » et « besoin », en lien avec cette notion de peur. J’ai découvert par exemple que j’avais une peur obsessive d’oublier. Je trimballe non seulement un ordinateur, mais aussi deux épais carnets et d’autres plus petits pour écrire, noter, griffonner. Ou en tout cas, avoir le choix de le faire.

PEUR DE S’ENNUYER, D’ÊTRE MAL PERÇUE

Visiblement, je craignais également de m’ennuyer, car au départ, c’est deux livres bien lourds que j’avais négligemment fourrés dans mon sac (d’ailleurs abandonnés en route, avant même d’avoir été lus !).

Quant à la question du paraître, y échappe-t-on vraiment ? Cette manie d’avoir des vêtements « qui vont bien ensemble » pourrait être un simple excès de coquetterie. Pourtant, j’ai dû me rendre à l’évidence. C’est bien une peur de ne pas avoir l’air « présentable », d’être « mal perçue », voire « mal acceptée » qui m’a poussée au départ à avoir plus de vêtements qu’il ne m’en fallait.

Au-delà de son utilité première, le sac à dos représente le « chez-soi » du voyageur au long-cours, où qu’il soit. Désencombré des peurs et des obsessions, il laisse place à ce qui fait vraiment sens. En cela, chacun gagne à passer en revue sa propre maison, qu’il s’agisse d’un 60 litres ou d’un 60 mètres carrés.

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À propos de l'auteur
Ex-entrepreneure sociale, j’accompagne aujourd’hui des initiatives à impact positif, quand je n’œuvre pas pour l’empowerment des femmes. Le tout à distance, puisque depuis 2015, je m’essaye à une vie nomade et « décentralisée » d’un bout à l’autre du monde.
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4 réponses

  1. De l’humour et du réalisme ! Merci Esra pour ton article très agréable à lire … et utile à méditer. À la prochaine étape je referai comme toi l’examen critique de mon sac à dos. Et pourquoi pas, de celui qui est dans ma tête.
    Aller à l’essentiel, c’est un objectif à la fois matériel et spirituel, logistique et esthétique, quotidien et au long cours, n’est-ce pas ?

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