Macron braque le sable breton

En Bretagne septentrionale, la baie de Lannion est menacée par un grand projet industriel d’extraction de sable. C’est Emmanuel Macron qui a signé le décret d’autorisation, en toute discrétion.

Photo : ABK
La baie de Lannion est entourée de deux zones Natura 2000. D’un côté, la zone de protection spéciale de la baie de Morlaix comprenant l’ile de Batz, de l’autre, la zone de protection spéciale de la Côte de granit rose, comprenant les Sept-Iles et une réserve d’oiseaux. La surface d’extraction du sable marin se situe entre ces deux zones, non loin du rivage. (crédit photo: ABK)

À Trébeurden, ville portuaire située au cœur de la baie de Lannion, où le journal minimal est allé enquêter, c’est la dolce vita : on mange du poisson provenant de la pêche maritime, des petits plats aux algues que l’on « cueille » à marée basse. On se promène en bateau ou à pied, sur la côte aux falaises escarpées de l’Ile-Grande ou bien on part à la découverte de l’ile Milliau, ex-demeure d’Aristide Briand. On plonge à la découverte des fonds marins ou on admire la diversité ornithologique sur le site de la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO). La tête levée vers le ciel, on aperçoit un fou de Bassan, une chouette Effraie des clochers ou un Macareux moine, l’emblème de la révolte régionale. Car oui, en baie de Lannion, la révolte gronde.

Dessin : ABK
Le Macareux moine ou « perroquet de mer » vit en haute mer, sauf lors de sa reproduction qui le contraint à rejoindre la terre ferme où il aime nicher sur les iles ou les falaises. Dessin original d’ABK pour le journal minimal.

Dans ce coin de paradis, comme à Notre-Dame-des-Landes, les habitants et les élus locaux s’opposent depuis plusieurs années à un grand projet industriel qui menace la biodiversité du lieu et qui a le soutien du gouvernement : l’extraction de millions de mètres cubes de sable.

LES POISSONS ASPHIXIÉS

Les choses se sont accélérées lorsque, le 14 septembre dernier, Emmanuel Macron, ministre de l’Économie en charge du dossier, a signé un décret accordant à la Compagnie armoricaine de navigation (Can) la concession minière qui va lui permettre de pomper jusqu’à 250 000 m³ de sable coquillier à quelques kilomètres des côtes. La Can, filiale du groupe chimique Roullier (dont le PDG, Daniel Roullier, est la 33e fortune de France), compte vendre ce sable comme engrais en remplacement du maerl, une algue fossilisée aujourd’hui en voie de disparition. Problème : la turbidité liée à l’extraction asphyxierait la faune sous-marine. Le Lançon, un poisson nécessaire à la pêche locale, serait privé de son habitat naturel car il vit dans le sable de surface de la dune. Le dépôt de sable remué pourrait aussi étouffer certaines espèces d’algues. De quoi se nourriront, alors, les oiseaux marins ? Le tourisme serait touché, lui aussi.

Image : Wikipédia
Le Lançon

Sous le nom de « Peuple des dunes en Trégor », quelques dizaines d’associations des Côtes-d’Armor s’étaient regroupées depuis 2012 dans le but de défendre leur territoire. D’autres voix s’élèvent maintenant sous le nom de Collectif SOS 22, et souhaitent médiatiser le sujet. Peut-être avez-vous en mémoire leur performance humaine « SOS : Save Our Sand » sur la plage de Trébeurden, durant la Cop21 ?

Vidéo réalisée par Sophie Daspre-Guilhem, correspondante du journal Le Trégor

Pour faire bouger les lignes, les habitants et les élus locaux multiplient aujourd’hui leurs façons de s’opposer : manifestations pacifiques, dépôts de plaintes, recours en justice (auprès du Conseil d’État contre le décret qui autorise l’extraction du sable coquiller et auprès du tribunal administratif pour contester les arrêtés préfectoraux). Pendant ce temps-là, les oiseaux et les poissons ne se doutent de rien, et le rythme des journées va, au gré des marées.

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À propos de l'auteur
Journaliste, je suis aussi dessinatrice, peintre, photographe, auteur de livres et de vidéos, sous le nom ABK.
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11 réponses

  1. Bonjour Julie, Ségolène Royal, ministre de l’écologie, s’est montrée hostile au projet d’extraction de sable coquillier en baie de Lannion. Pourtant, rien n’a été fait concrètement pour stopper le processus. Pas plus que pendant la COP21. Les bretons semblent donc livrés à eux-mêmes entre ces deux zones Natura 2000 séparées d’à peine quelques kilomètres.

  2. Mais quand comprendront-ils (à Paris) que toute la population trégoroise ne veut pas de ce projet, rejeté non seulement par tous les élus mais aussi par tous les candidats à toutes les élections depuis 4 ans! Une vraie unanimité!

    1. Pourquoi ne lancez-vous pas une pétition sur « change.org » ? Ils recueillent un énorme nombre de signature au niveau Européen pour des pétitions moins dramatiques que la vôtre et souvent avec succès.

  3. Bonjour Philippe, en effet les élus ont voté plusieurs fois contre le projet et n’ont pas été entendus. Prochainement, le journal minimal publiera une interview du maire de Trébeurden qui évoque ce que vous dites. Merci de votre réaction.

  4. Honte aux décideurs de cette extraction de sable! Nous voulons une nature et un trait de côte respectés. Aussi des plages de sable fin pour nos enfants et petits enfants. Ne touchez à rien, messieurs les décideurs!

  5. Je viens de revisionner le célèbre film « La bataille du rail » où les cheminots menaient la vie dure aux voleurs nazis du patrimoine français. Ça m’a fait penser au pompage effréné des quelques pauvres ressources bretonnes. Nous ne sommes plus ici (en principe) face à un État ennemi, mais les méthodes employées y ressemblent bougrement: « Ah, ils veulent leur indépendance? Bon, on va commencer par leur extraire tout ce qu’on peut, en mer comme sous terre puis, quand il ne restera plus rien d’intéressant, on leur rendra leur liberté… Ils pourront toujours y faire une réserve indienne pour touristes, comme en Arizona, si ça leur chante

    1. Pour l’anecdote, la scène de déraillement dans La bataille du rail (réalisée sans trucage), a été tournée tout près de Lannion.
      Une plaque commémorative se trouve à côté de la gare TGV de Plouaret-Trégor.

  6. Je précise que les personnes que j’ai rencontrées sur place ne sont pas foncièrement contre l’extraction du sable coquillier, mais elles contestent l’extraction à 5km de la plage, alors qu’une extraction à 40km, où se situerait également du sable coquillier, aurait permis de préserver le site et l’économie régionale. En cause, les effets négatifs de la turbidité.

  7. Macron ou pas, il donne son accord en catimini…Ben, rien ne change !
    C’était bien de la poudre aux yeux de nommer Nicolas Hulot !

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